André Breton
L’auteur
André Breton (1896-1966) représente aujourd’hui le surréalisme du début du XXème siècle. Certains le surnomment « Le pape du surréalisme », de manière très abusive. Il reste que dès le lycée, Breton développe une haine contre le positivisme philosophique et son caractère normatif.
Il s’enrichit de la pensée de Hegel, avec la participation à son éducation de son professeur de philosophie au lycée. Très rapidement, il doit participer à la guerre en rejetant le nationalisme de Maurice Barres. De retour de la guerre, il se lie d’amitié avec Philippe Soupault ainsi que Louis Aragon qui deviendront ses amis surréalistes (Paul Valery parlera des « trois mousquetaires » pour qualifier les trois hommes).
(Hegel a beaucoup inspiré la pensée d’André Breton)
Ce retour de la guerre est difficile avec les traumatisées de la Première Guerre mondiale. le désenchantement du monde avec le développement des sciences de la rationalité (histoire, sociologie) poussent André Breton à rejeter ces disciplines qui, selon lui; ne permettent pas aux hommes de se libérer eux-mêmes des institutions.
Le mouvement Dada, arrivée d’Europe de l’Est en 1918 par la figure de Tristan Tzara intrigue Breton. Il le rencontre mais est fortement déçu par l’homme. Pour autant, ses pensées subversives se confirment. Il publie le premier Manifeste eu surréalisme en 1924.
(Tristan Tzara, fondateur du dadaïsme, a beaucoup inspiré, comme la psychanalyse de Freud, le surréalisme)
Introduction au Manifeste et communisme
Poursuivant la tradition française, Breton décide de publier de manifeste. André Breton est dans la lignée des livres de le Pléiade. Il fallait également écrire ce manifeste pour créer un groupe, une communauté de personnes qui partageaient les mêmes idées (volonté de laisser aller les rêve, le merveilleux étant tout le temps beau). Il fallait aussi poser l’idée avant qu’elle ne soit reprise (le surréalisme de Breton étant déjà inspiré du Dadaïsme de 1918).
(Louis Aragon, autre auteur du mouvement surréaliste)
L’attitude du surréalisme avec le communisme est ambigüe. Dans les environs de 1925, se développe une très forte attraction pour les thèses du Parti communiste et les auteurs ont tenté à l’époque d’adhérer à ce parti. Cela s’est souvent mal passé car ils étaient l’objet de suspicions de la part des cadres du parti. Breton s’en est retiré rapidement. Il a continué à avoir une activité révolutionnaire Association des écrivains et artistes révolutionnaires. Parti communiste très stalinien, les surréalistes se sont très rapidement rendus compte de la supercherie du PCF.
Manifeste du surréalisme (1924)
Perte d’imagination
A partir de la vingtaine, l’homme, pour des raisons utilitaires, préfère souvent laisser de côté son imagination, préférant se donner un destin sans lumière. Il appartient désormais corps et âme à une impérieuse nécessité pratique. Entre temps, il essaye de retrouver cette imagination mais elle s’est perdue et est presque impossible à retrouver. De là, chaque évènement est vécu comme manqué car non réalisé pleinement.
De là peut s’obtenir un « bonheur » mais réduire son imagination à l’esclavage des contingences, c’est se dérober tout au fond de soi, de justice suprême. Seule l’imagination peut nous dire ce qui peut être, sans doute nous pouvons nous tromper (mais ne nous trompons-nous déjà pas en permanence sans cette imagination ?) Peut-elle devenir dangereuse ? Pourtant, c’est bien la liberté de l’esprit qui peut rendre heureux. A partir de là on peut comprendre la jouissance extrême que ressentent les fous, les comprendre est une source de savoir immense.
La médiocrité du positivisme
L’absence d’imagination, André Breton en donne un exemple concret avec le positivisme de Saint-Thomas et d’Anatole. Il déclare : « L’attitude réaliste, inspirée du positivisme, de Saint-Thomas et d’Anatole, m’a bien l’air hostile à tout essor intellectuel. Je l’ai en horreur, car elle est faite de médiocrité, de haine et de plate suffisance. » L’intellectuel français associe cette paresse intellectuel à de nombreux romans ennuyeux qui proposent peu de stimulation intellectuel (opinion qu’il partage avec Paul Valéry). Breton se justifie : « Je ne fais pas état des moments nuls de ma vie, que la plupart de tout homme il peut être indigne de cristalliser ceux qui lui paraissent tels.
(Anatole France, figure du positivisme en philosophie, doctrine détestée par André Breton)
En pensant à Pascal puis Barres et Proust, André Breton s’exclame : « Si une grappe n’a pas deux grains pareils, pourquoi voulez-vous que je vous décrive ce grain par l’autre. […] L’intraitable manie qui consiste à ramener l’inconnu au connu, au classable, berce les cerveaux. »
Le règne de la logique
Le problème de ce règne de la logique, c’est qu’il ne s’applique plus qu’à la résolution de problèmes d’intérêt secondaire. L’expérience même tourne dans une cage d’or il est de plus en plus difficile de la faire sortir. La superstition, chimère et le mysticisme ont été écartés de toute vérité.
Voulant échapper à cette logique rationaliste qui voit le XIXème siècle entrer dans le « désenchantement du monde » (Idée de Max Weber), Freud s’intéresse à la notion de rêve et d’imagination. André Breton fait propose quelques réflexions à ce sujet :
(Max Veber, figure du rationalisme allemand en sociologie)
Dans les limite où il s’exerce, le rêve est continu et porte trace d’organisation : Seule la mémoire se porte le droit de faire des coupures mais un rêve peut très bien être continu. Il explique : « Je voudrais dormir, pour pouvoir me livrer aux dormeurs, comme je me livre à ceux qui me lisent, les yeux bien ouverts ; pour cesser de faire prévaloir en cette matière le rythme conscient de ma pensée. » Pour ne pas intégrer le rêve dans le processus d’accession à la vérité ?
Ainsi, l’état de veille est un phénomène d’interférence : Il nous arrive de faire des lapsus qui révèlent des choses. Ces lapsus naissent d’un état de veille qui laisse émerger de notre imagination ce que nous ressentons
L’aspect libérateur du rêve : Dans le rêve, on ne craint rien. On sait qu’on va se réveiller et donc ne pas mourir. Tous les champs des possibles sont ouverts (meurtre, vol, mort)
L’analyse méthodique du rêve peut permettre la réalisation du rêve et de la réalité : « Je crois à la résolution future de ces deux états contradictoires, que sont le rêve et la réalité, en une sorte de réalité absolue, de surréalité. C’est vers sa conquête que je vais, certain de n’y parvenir mais trop insoucieux de ma mort pour ne pas supporter un peu les joies d’une telle possession. »
Rôle du merveilleux et écriture automatique
L’échappatoire du rêve de la logique nous permet d’atteindre le merveilleux. Ce merveilleux participe à une révélation générale dont le détail seul nous parvient : ce sont les ruines romantiques, le mannequin moderne ou tout autre symbole propre à remuer la sensibilité humaine durant un temps.
Ce que veut dire Breton, c’est qu’il est de l’homme de s’appartenir tout entier, c’est-à-dire de maintenir à l’état anarchique la bande chaque jour plus redoutable de ses désirs. Pour retourner à cette appartenance toute entière, l’intellectuel français propose par exemple la lecture et l’exercice de la poésie.
Définition du surréalisme
De la perte d’imagination au retour du merveilleux et de la poésie, André Breton nous expose sa définition du surréalisme : « Automatisme psychique pur par lequel on se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. »
Parmi les surréalistes de son époque, l’intellectuel français cite Aragon, Baron, Boiffard, Soupault, Vitrac et d’autres plus anciens (Hugo quand il n’est pas bête, Constant en politique, Baudelaire dans la morale et d’autres).
Application du surréalisme : l’écriture automatique
Comment réaliser un art surréaliste. Breton nous offre également sa vision : « Faites-vous apporter de quoi écrire, après vous être établi en un lieu aussi favorable que possible à la concentration de votre esprit lui-même. Placez-vous dans l’état le plus passif, ou réceptif, que vous pourrez. Faites abstraction, de votre génie, de vos talents et de ceux des autres? Dites-vous bien que la littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout. Ecrivez vite sans sujet préconçu, assez vite pour ne pas retenir et ne pas être tenté de vus relire. »
(Exemple d’écriture surréaliste dans le Manifeste d’André Breton)
Ce sur quoi insiste l’auteur parisien, c’est la continuité absolue de la coulée qui nous occupe. Il ne faut donc pas intervenir mais laisser faire l’écriture de la pensée, de jamais s’arrêter, ne jamais reprendre une phrase. La cohérence viendra d’elle-même quand tout sera lu à la fin. Le surréalisme est une jouissance, un vice nouveau qui s’obtient comme quand on consomme de la drogue.
Images surréalistes
Une image surréaliste est donc une image qui provient de notre esprit sans avoir mis de barrière morale, sociale ou autre et qui nous apparaît comme incontrôlable, on ne gouverne plus ses facultés. Parmi les images surréalistes, les plus puissantes sont celles auxquelles nous avons laissé le plus d’arbitraire, celles on a laissé le plus notre esprit aller là où il le souhaitait.
De cette expérience naît la possibilité de renouer avec les éléments premiers de son existence, de son enfance ainsi. Grâce au surréalisme, il semble qu’on retrouve cette insouciance, ces normes qui n’existent pas encore et qui laissent tout s’exprimer.
Comme le gauchisme, peut-on espérer un universalisme du surréalisme ? Breton nous répond que nous, que la démarche même d’universaliser le surréalisme serait même contraire à l’idée-même originelle.
Il reste tout de même un universalisme propre au surréalisme et au gauchisme qu’André Breton nous offre à la fin de son Manifeste « Le surréalisme tel que je l’envisage, déclare assez notre non-conformisme absolu pour qu’il ne puisse être question de le traduire, au procès du monde réel, comme témoin à décharge. C’est vivre et cesser de vivre qui sont les solutions imaginaires. L’existence est ailleurs. »
(Couverture du Manifeste d’André Breton)
Conclusion
Comment relier gauche et surréalisme ? Le premier mouvement qui nous est offert est le surréalisme comme paradigme qui a tenté de s’engager en politique avec la figure d’André Breton au Parti Communiste français. Mais ce mouvement du paradigme vers la politique a rapidement été un échec, un échec total.
En considérant le surréalisme comme idéologie qui a su pénétrer toutes les sphères intellectuelles du XXème siècle, il apparaît cependant comme un non-conformisme dont le politique peut s’inspirer. De l’inspiration surréaliste peut naître alors l’inspiration utopiste et pourquoi pas … gauchiste ?
Gauchistement votre,
Le Gauchiste