Varlin, l’homme curieux

 

Il naît en 1939 à Claye-Souilly au milieu des bois, des champs. Il quitte l’école dès l’âge de 13 ans pour Paris et le métier de relieur dans la rue du Pont-de-Lodi. Le Paris d’Eugène Varlin est celui de l’avant Haussman, avant l’arrivée massive des provinciaux et des immigrés à Paris. Nul doute qu’il aimait le 6ème arrondissement, lieu encore mixte à l’époque.

 

Lorsqu’il commence à s’instruire en dehors de l’école, il ne sait pas encore qu’un destin politique l’attend. Il apprend car il est curieux et pas seulement pour des besoin politiques ou autres. Il décide d’étudier la géométrie alors que cette discipline ne lui servira que très peu dans sa vie. 

 

Son instruction relative (il a toujours écrit en faisant des fautes d’orthographe) fera de lui un auteur / journaliste bien plus qu’un orateur. 

 

 

 

Varlin l’ouvrier relieur

 

Eugène Varlin est avant tout un intellectuel organique. Autrement dit, il s’intéresse beaucoup à tout ce qui touche à son travail ainsi qu’à l’intérêt que son travail a pour la société. En se spécialisant comme ouvrier relieur, il déclare vite qu’il faut que les ouvriers puissent s’instruire, surtout dans ce domaine d’activité. Il déclare : « L’instruction nous est rendue impossible par la longueur de notre journée ; cependant, notre état exige que nous soyons instruits. Notre industrie, par ses besoins de perfectionnement, nous rend l’éducation aussi nécessaire qu’elle nous rend l’ignorance pénible et nous mettant chaque jour ont de livre entre les mains. »

 

Il participe aux revendications des ouvriers relieurs dès 1857, année où ceux-ci reconstituent la société ouvrière des relieurs. Le but de ces sociétés est de favoriser l’obtention d’arrêts maladie, d’assurer une pension de retraite ou encore e pourvoir aux frais funéraires des membres décédés. La Société de secours mutuels des ouvriers relieurs devient une sorte de deuxième famille. L’ouvrier relieur participe également à la création du restaurant coopératif La Marmite et l’établissement La Ménagère avec ses amis dont Nathalie Lemel. 

(Image d’archive du Restaurant coopératif La Martmite)

 

Le communard faire partie des premiers hommes à considérer que la femme peut travailler et être rémunéré autant qu’un homme. Il ajoute que le fait que les femmes travaillent ne va pas faire baisser le salaire des hommes ni leur condition de vie. La perspective de Varlin est purement égalitaire.

 

 

Varlin et l’Association internationale des travailleurs (AIT)

 

Il intègre l’Association en 1865 peu après sa création à Londres le 28 septembre 1864. Il publie un article crucial dans le premier numéro de La Tribune ouvrière le 4 juin 1865 où il dit « L’ouvrier, parce qu’il manipule et transforme la matière en objet d’utilité ou d’agrément, est celui à qui on adresse généralement toutes critiques des productions industrielles ; on oublie trop qu’il n’est le plus souvent que l’instrument qui fabrique selon le goût du patron ou même du client, et que ce dernier, quoiqu’il puisse payer, n’a pas toujours le goût exquis. » 

(Image d’archive du Journal La Tribune Ouvrière)

Lissagaray estime qu’il a été le « nerf des association ouvrières ». Vers la fin de sa vie, Eugène Varlin fait même l’histoire de l’AIT, qui est passée d’une société d’idées à une société d’actions.

 

 

 

Varlin et la politique, de 1863 à la Commune de Paris

 

Eugène Varlin entre en politique en 1863. Il se présente sur une liste électorale ouvrière qui n’obtient qu’un petit score. En 1864, il s’implique activement en politique et dans le syndicalisme lorsque les coalitions deviennent autorisés par le Second Empire.

 

Il participe à la rédaction d’un comité du 26 août 1864 qui affirme : « Les Ouvriers Relieurs désirent depuis longtemps la réduction de la durée du travail. Le progrès moral et matériel de notre société, ainsi que le besoin de conservation, font de cette réduction, une nécessité de jour en jour plus impérieuse. Le développement de l’industrie doit avoir pour résultats l’augmentation du bien-être de tous. »

 

Lorsque l’Empire chute à l’été 1870, Varlin rejoint dès septembre 1870 le comité central républicain des vingts arrondissement de Paris. Il devient membre du comité central de la garde nationale. Son rôle est crucial lors du Siège de Paris ; il s’occupe de l’alimentation des nécessiteux en fournissant les « marmites de Varlin ».

 

Lors de la Commune de Paris, il comprend plus vite que ses amis internationalistes et mieux qu’eux, que, puisque la plupart des ouvriers sont gardes nationaux, le comité central de la garde nationale a un rôle politique important à jouer. » Il est de tous les combats de la Commune (Prise de la colonne Vendôme le 18 mars 1871, rédaction du manifeste-programme des sections parisiennes de l’AIT le 24 mars).

(Image d’archive de la démolition de la colonne Vendôme le 12 Avril 1871)

 

Bien que syndicaliste révolutionnaire et reconnu comme anarchistes par les grandes figures politiques de l’époque, l’ouvrier relieur refuse la mise en place du comité de salut public et y préfère un parlementarisme raisonné. Beaucoup estiment que ces discussions et tergiversations ont fait perdre la Commune face aux Versaillais lors de la Semaine sanglante.

 

 

 

Conclusion

 

La vie d’Eugène Varlin s’arrête le 28 mai 1871. Il rejoint la dernière barricade dans l’après-midi. Le voici de retour rue de la Fontaine-au-roi, il lui reste quelques heures à vivre. Il est dénoncé par un prêtre Rue Lafayette puis fusillé par les « lignards ». Jenny Marx déclare le 13 juin 1871 « Hélas, Eugène Varlin était bien mort, les meilleurs ont été assassinés. »

(Jenny Marx avec Karl Marx)

Pour aller plus loin

Retrouvez l’ouvrage Eugène Varlin, ouvrier relieur (1839-1871) aux éditions Libertalia

 

 

Rappelons-nous de l’intellectuel organique que fut Eugène Varlin. Gardons également en mémoire son combat, ses idées novatrices sur les femmes, les révoltes ouvrières et sa haine de l’inégalité.

 

Le Gauchiste