Entre rêves de mer et illusions
Dès ses 6 ans, les parents de Jacob l’amènent au théâtre. Il découvre Feydeau et d’autres dramaturges. C’est un garçon très calme et très curieux. Il lit Kropotkine, Malatesta ainsi que Elisée Reclus. Son éducation littéraire se fait avec L’Histoire des Girondins de Lamartine et Quatre-vingt-treize de Victor Hugo. Il aime aussi beaucoup les Rougon Maquart d’Emile Zola.
(Portrait de Pierre Kropotkine)
Très rapidement, il s’intéresse à la navigation avec les bateaux qui quittent chaque jour le Vieux port. Il devient mousse à partir de 1891 et fait plusieurs voyages.
Il voyage notamment sur le Tibet en 1892 puis sur le Ville de la Ciotat et L’Armand Béhic. Croyant voyager et voir la beauté du monde, l’anarchiste découvre que le monde est fait de malheurs causés pat l’homme lui-même (l’esclavage entre autres). Il déclare « J’ai vu le monde et il n’était pas beau. » Aussi, il vit lui-même l’humiliation du devoir d’obéissance, les réprimandes et le faible salaire face aux patrons.
(Images du Port de Marseille à la fin du XIXème siècle)
Alexandre Marius Jacob l’anarchiste
Le contexte social de la Belle Epoque est très violent. Les socialistes réformistes et les anarchistes s’affrontent sans cesse sur la façon d’accéder au pouvoir. De partout, les anarchistes prennent pour modèle la violence pour se rendre justice (contre les rois, les politiciens, les tyrans). Les anarchistes sont particulièrement réprimés car l’Etat français a en mémoire toutes les révolutions du XIXème siècle (notamment la Commune de Paris). C’est dans ce cadre que François Claudius (Ravachol) est guillotiné.
En 1893, les attentats anarchistes terrorisent la France (attentat de la Rue d’Alger par l’anarchiste belge Pauwels). Au début des années 1890, l’idée de la reprise individuelle prend de l’envergure face au socialisme institutionnel. En 1897, les lois scélérates se sont multipliées et on compte déjà beaucoup d’anarchistes guillotinés (Ravachol en 1892, Vaillant, Henry et Caserio en 1894). Il ne fait pas bon crier « Ni Dieu, ni maître à l’époque. »
Refaire le monde ? C’est ce à quoi aspire l’anarchiste illégaliste mais il croit de moins en moins à l’efficacité de l’action collective non violente. Elle est nécessaire mais il faut aller plus loin pour lui. La colère grandit en lui, il a 19 ans.
(Ravachol, autre grande figure de l’anarchisme français du XIXème / XXème siècle)
A partir de 1892, les journaux comme L’Almanach du Père Peinard permettent d’accueillir assez d’argent pour créer une nouvelle revue : L’Agitateur. Le journal s’éteint en 1897, faute de moyens mais la volonté d’Alexandre Marius Jacob de voler et de militer pour l’anarchisme s’affirme.
Le travailleur de la nuit et l’illégalisme
Les travailleurs de la nuit s’en prennent aux patrons, aux politiciens véreux, à l’Eglise et aux juges. On distingue les propagandistes par le fait (comme Ravachol) qui utilisent l’attentat à l’explosif et les partisans de la reprise individuelle (comme Alexandre Marius Jacob) qui voient le vol comme une technique révolutionnaire.
Avec Jacob, c’est la première fois que le vol est présenté comme un acte révolutionnaire à ce niveau-là. Il veut détruire les fondements de l’édifice social.
Jacob se définit comme un homme de principes. Il exclut de ses vols certaines professions jugées utiles (écrivains, professeurs, médecins). Lors du vol de Pierre Loti, « plutôt littérateur qu’officier de marine », Jacob et ses complices décident finalement de ne plus le voler en apprenant qui il est.
(Illustration d’un vol des Travailleurs de la nuit)
L’anarchiste illégaliste vole à la fois à Paris et en province. Partout où il se passe, il se fait des réseaux et développe des amitiés anarchistes. A Toulouse, Alexandre Marius Jacob fréquente des voleurs qui sont aussi des libertaires. Jacob collabore avec le groupe des Vengeurs qui opère en Espagne, Gascogne et Navarre.
Il se fait arrêter une première fois le 3 Juillet 1899. Alexandre Marius Jacob est arrêté à Toulon. Il est condamnée à un an d’emprisonnement et 95 francs d’amende. C’est avant tout dans les années 1900 (de 1900 à 1903) qu’il réalisé le plus de vols (150 à 500 cambriolages à Paris).
Son entreprise Jacob en Co, entreprise politique de démolition économique et sociale, une pratique industrielle du vol. Les Travailleurs de la nuit sont nés. Jacob tient le vol pour une entreprise collective et pérenne, motivée qui plus est par un discours et une finalité politique : l’illégalisme. L’anarchiste français se rend rapidement compte qu’il doit former un groupe pour mener à bien cette activité. Dans tous les vols réalisés, la part qui devait revenir à l’anarchie devait être d’au minimum 10%.
Il déclare « La société ne m’accordait que trois moyens d’existence : le travail, la mendicité et le vol. Le travail, loin de me répugner me plait, ce qui me répugnait, c’est de suer cent et eaux pour l’aumône d’un salaire, c’est de créer des richesses dont j’aurai été frustrées. La mendicité, c’est l’avilissement de toute dignité, tout homme a droit au banquet la vie. Le droit de vivre ne se mendie pas, il se prend. Le vol, c’est la restitution, la reprise de possession. Je me livrais au vol sans aucun scrupule. Je ne coupe pas dans votre prétendue morale qui prône le respect de la propriété comme une vertu alors qu’en réalité, il n’y a de pire voleurs que les propriétaires. »
Il enchaine « Si je me suis livré au vol, ça n’a pas été une question de gain, de livre mais une question de principe de droit. J’ai préféré conserver m liberté, mon indépendance, ma dignité d’homme que me faire l’artisan de la fortune d’un maitre. J’ai préféré être voleur que volé. »
Sa haine de la propriété est totale : « Si la propriété était le vol, alors les voleurs pouvaient être des travailleurs honnêtes et hâter la révolution tout en vivant dignement des fruits de leur prétendu délicieux labeur. »
Le procès d’Amiens et le bagne
Alexandre Jacob est arrêté en 1905 avec un procès qui arrive vite. Pendant le procès à Amiens, c’est davantage Jacob qui fait le procès de la société que la société qui fait le procès de Jacob. Le 22 mars 1905, il échappe à la peine de mort mais est condamné aux travaux d’intérêts généraux à perpétuité en Guyanne.
(Jacob lors du Procès d’Amiens)
Lors de son procès à Amiens où il dédouane ses compagnons, il fait l’apologie de l’anarchisme illégalisme en le théorisant publiquement. Il réussit à faire du procès d’Amiens une tribune politique. Son discours aux Assises devient son manifeste « Pourquoi j’ai cambriolé ? »
« Je suis entrepreneur de démolition ». Le but est de voler pour financer l’anarchisme individualiste avec des journaux comme Germinal ou le Libertaire.
(Illustration d’un homme victime du bagne)
A Cayenne, le docteur Rousseau ne supporte pas l’injustice qui y règne. Il rencontre Jacob et écrivent tous les deux un témoignage sur les conditions infligées aux bagnards. Jacob est rapatrié en France en 1925 puis définitivement libéré en 1928. Jacob participe aux mouvements anarchistes espagnols de la fin des années 1930 mais reste peu virulent comparé aux années 1900. Il finit ses jours à Reuilly dans l’Indre.
(Jean-Marc Delpech – Alexandre Marius Jacob, Voleur anarchiste)
Rappelons-nous les persécutions subies par les anarchistes du XIXème et du XXème siècle ainsi que leurs théories et leur volonté de renverser l’ordre bourgeois.
Gauchistement votre,
Le Gauchiste