Face à l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle qui nous tend les bras, Corinne Morel-Darleux nous propose un essai plein de poésie et de réflexion sur la situation actuelle. Alors que beaucoup de solutions ont été proposées, aucune n’a su renverser le capitalisme qui provoque l’exploitation des ressources et peut-être la fin de l’espèce humaine d’ici plusieurs décennies.
Toutes les prédictions du MIT de 1972 sur l’effondrement s’avèrent de plus en plus vrai et dans un tel contexte, qui donner responsable du désastre qui s’annonce ?
(Prévisions du MIT sur l’effondrement qui devrait avoir lieux dans les prochaines décennies)
Face à ce constat, ces réflexions sur l’effondrement nous proposent de prendre de la hauteur, de faire revenir la poésie dans nos vies et de réfléchir à nos manières d’agir aux échelles individuelle et collectives. L’autrice nous propose trois grands axes de réflexions, le refus de parvenir et la dignité du présent
Refus de parvenir
En reprenant l’exemple de Bernard Moitessier, Corinne Morel-Darleux nous propose une vision poétique de l’existence. Alors que le navigateur pouvait remporter des courses, il se contentait de poursuivre les chemins qu’il souhaitait en réconciliant son être avec la nature.
Avec Moitessier, c’est tout le mécanisme de l’émerveillement qui prend son importance. Comment s’émerveiller quand notre propre vie est faite de béton ? Pour le navigateur, la mer, la montagne et les rares espaces sauvages sont les derniers remparts du capitalisme. C’est un véritable appel à la nature que Moitessier propose. L’autrice veut nous faire aller vers une nouvelle notion : Le refus de parvenir.
(Bertrand Moitessier, grand navigateur et poète)
Dans un monde où même le repos est marchandisé, il est de notre possibilité de changer nos habitudes et de refuser autant le marché qu’on peut. Elle déclare « La revendication de l’argent et de la notoriété pour chacun remplace insidieusement le droit à une vie digne pour tous. » Ainsi, une liberté individuelle n’a de sens que si l’exercice de cette liberté permet à tout le groupe de pouvoir exercer la sienne.
Le refus de parvenir ne propose pas de refuser toute réussite mais de réfléchir au fait que l’ascension d’une personne n’empêche pas les autres de bénéficier d’ascensions. Pour illustrer sa poésie Corinne Morel-Darleux nous propose de cueillir le Sel de la vie pourtour où il se trouve.
(Françoise Heritier, autrice du Sel de la vie)
Pour l’autrice : « Le refus de parvenir, c’est le dédain des distinctions sociales, c’est s’exonérer des démarches avilissantes, des promotions de tout ordre qui proposent un compromis avec soi-même et une compromission avec autrui. C’est avant tout dans les milieux anarchistes et libertaires qu’on retrouve cette idée. Il faudrait la développer à l’ensemble de la société.
Dignité du présent
En appliquant ce refus de parvenir à la collectivité, Corinne Morel-Darleux nous interpelle sur notre capacité à mener des luttes individuelles sans mener des luttes collectives. Pour elle, l’écologie ne peut être que politique, de sorte que l’éco-socialisme ne peut s’épanouir qu’en faisant une action collective.
Notre réflexion personnelle sur le refus de parvenir ne peut qu’amener une seconde réflexion sur notre dignité du présent. Comment concilier nos dissonances cognitives à l’heure de l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle. L’autrice nous propose alors une nouvelle notion : la dignité du présent.
A cheval entre liberté individuelle, liberté collective et accomplissent, la dignité du présent est une réflexion sur comment souhaitons-nous vivre. Dès lors, il est de chacun de prendre ses responsabilités selon ses capacités. La responsabilité historique porte autant sur la bourgeoisie de gauche que sur le prolétariat, dans des modalités différentes.
La dignité du présent est alors une boussole éthique personnelle qui dit guider chacun de nous vers une vie avec davantage de sens (moins de technologie, un bilan carbone plus faible, de l’activisme). De la poésie doit naître de futurs mouvements révolutionnaires avec un amour pour la liberté.
(Le Corriere della Sera, annoncant la mort de Pier Paolo Pasolini)
Toute l’oeuvre de Pasolini prend son sens entre son article de 1975 sur la disparition des lucioles au Corriere della Sera et son oeuvre La Rage (1963) où se mêlent poésie, politique et nouvel amour au sein de la lutte des classes. C’est une nouvelle culture qu’il faut créer, une culture de résistance.
(Plutôt couler en beauté que flotter dans grâce, nouvel essai de Corinne Morel-Darleux)
Prenons avec joie cet essai rempli de poésie qui s’inscrit dans la lignée du Sel de la vie de François Héritier ou de La Rage de Pasolini.
Gauchistement votre,
Le Gauchiste