Militant anarchiste italien ayant traversé les grandes révoltes des années 1870 jusqu’au années 1930, Errico Malatesta nous laisse derrière lui la participation à nombreux épisodes révolutionnaires mais également une abondante activité journalistique.
Paru aux Editions du monde libertaire au début des années 1970, le recueil « Ecrits politiques » reprend un certain nombre d’articles écrits majoritairement dans les années 1910 et les 1920. Au programme de ces écrits : définition de l’anarchie, du communisme et d’un certain nombre de thématiques (insurrection, expropriation).
Eléments de définition de l’anarchie
Eléments généraux
Idée directrices
Pour Errico Malatesta, l’anarchisme n’est pas nécessairement lié à un système philosophique. Cette doctrine noir plutôt de la haine des injustices sociales, du capitalisme et de l’Etat. L’écrivain italien préfère laisser de côté les définitions philosophiques. Pour lui, l’anarchisme est le moyen pour arriver à l’anarchie, c’est-à-dire au moment où tous les hommes son frères. Il déclare : « Pourquoi sommes-nous anarchistes ? Nous avons en nous un sentiment qui est la force motrice de tous les vrais réformateurs de la société et sans lequel notre anarchisme ne serait que mensonge et non-sens. »
Il ajoute « Je suis communiste (libertaire bien entendu), je suis pour la libre entente et je crois qu’avec une décentralisation intelligente et un échange continu d’idées, on pourrait arriver à organiser les échanges nécessaires de produits et à satisfaire les besoins de tous sans avoir à utiliser le symbole-argent, qui, sans aucun doute, entraine de nombreux problèmes et de graves dangers. Comme tout bon communiste, j’aspire à l’abolition de l’argent et, comme tout bon révolutionnaire, je crois qu’il sera nécessaire de désarmer la bourgeoisie en dévaluant tous les symboles de richesse qui peuvent permettre de vivre sans travailler. »
Anarchisme, communisme, socialisme ?
Malatesta contourne les oppositions stériles entre anarchisme, communisme et socialiste. LA synthèse communiste libertaire de Kropotkine est celle qui lui plait le plus. Il déclare : « Parmi les anarchistes, il y en a qui aiment à se qualifier de communistes, collectivistes, individualistes, ou autrement. Ce n’est souvent qu’une question de mots diversement interprétés qui recouvrent et cachent des aspirations fondamentalement identiques ; parfois, il s’agit seulement d’une question de théories, d’hypothèses, que chacun utilise pour expliquer et justifier de façons différentes des conclusions pratiques identiques. »
Il ajoute par ailleurs : « Le communisme est la voie qui mène vers l’anarchie » : c’est là toute la théorie des bolcheviks, toute la théorie des marxistes et des socialistes étatistes de toutes les écoles. Ils reconnaissent tous que l’anarchie est un idéal sublime., qu’elle est le but vers lequel marche, ou devrait marcher, l’humanité : mais ils veulent tous accéder au pouvoir pour pousser ou contraindre les gens à marcher dans la bonne voie. »
Pour Malatesta, La Finalité de l’anarchisme de Luigi Galleani est une expression du communisme anarchiste proche des idées de Pierre Kropotkine. C’est une conception trop optimiste pour Malatesta mais c’est la plus belle selon lui. Plus globalement, c’est en se débarrassant des erreurs du marxisme que nous pourrons nous libérer nous-mêmes, en utilisant les idées libertaires de Marx.
Anarchisme et luttes sociales
Délits, répressions et violences
Pour l’auteur originaire de Naples, L’anarchie déteste la violence. La violence n’est utile que pour se protéger soi-même ou pour mettre fin à d’autres rapports de violence trop élevés pour être résolus par le pacifisme. Il estime que « La véritable violence anarchiste, c’est celle qui cesse dès que prend fin la nécessité de se défendre et de se libérer. »
Il utilise le même raisonnement pour la question du délit : « Pour nous, est un délit tout ce qui tend à augmenter volontairement la souffrance des hommes : c’est la violation du droit de tous à une égale liberté et à la jouissance du maximum possible de biens moraux et matériels. » Il convient de gérer les délinquants par petits groupes et les considérer comme des frères qui se sont perdus. Quand les délinquants sont trop nombreux (fascisme en Italie au début des années 1920), il faut les combattre directement.
Anarchisme et intellectuels
La réflexion des intellectuels chez Malatesta est proche de celle de Gramsci. L’intellectuel est utile à la révolution s’il se fond dans la masse et qu’il ne commande pas. L’intellectuel se doit se travailler pour les besoins primaires comme tout le monde.
Les intellectuels doivent faire attention à ce que les organisations dans lesquels ils se trouvent ne soient pas bourgeoises. Le journaliste italien prend l’exemple de Bakounine qui a estimé que le Congrès de l’Association pour la Paix et la Liberté était trop bourgeois et qui a préféré l’Association Internationale des Travailleurs.
Anarchisme et prolétariat
Les anarchistes se doivent d’intégrer les luttes prolétariennes autonomes. Les anarchistes ne veulent aucun pouvoir donc aucun pouvoir de décision dans le organisations syndicales. Par contre ils les soutiennent car elles sont utiles pour la conscience de classe.
Bakounine dit que la révolution se fera si tous les ouvriers adhèrent à l’Internationale mais c’est faux pour Malatesta car ça dépend de l’organisation du mouvement ouvrier. L’auteur italien donne une grande importance du syndicalisme dans le mouvement ouvrier mais il faut des organisations anarchistes à côté et dans les syndicats pour que ça ne dégénère pas.
Il ne faut pas oublier que le syndicalisme est par nature réformiste mais dans tous les cas il est utile pour la conscientisation des masses. Cependant, à partir du moment où un syndicat devient puissant avec des chefs, il s’éloigne de l’anarchisme. Ce que les anarchistes doivent faire est intégrer les syndicats pour y mettre des pratiques anarchistes.
Luttes économique et luttes politiques
La question de l’armée
Dans le cadre de la lutte radicale, ce qu’il y a à combattre en premier, c’est l’armée. C’est pourquoi la lutte révolutionnaire ne peut se passer de la lutte armée. En cas de dissolution du pouvoir, les anarchistes ne créeraient aucun nouveau gouvernement. Ils détruiraient tous les titres de propriété et réorganiseraient la production.
En cas de peur des bourgeois que faire ? Les exproprier ? En cas de peur de l’armée et ses visées contre-révolutionnaires que faire ? Armer tout le monde. La défaite d’une révolution vient de l’extérieur mais aussi beaucoup de l’intérieur avec ceux qui font dégénérer les révolutions.
Oppression économique
Organisation de la production
Tout comme Arturo Labriola, Errico Malatesta pense que le problème le plus urgent n’est pas la répartition de la richesse mais plutôt « l’organisation rationnelle de la production ». Les capitalistes disent qu’en cas de révolution, on risquerait de mourir de faim mais c’est plutôt l’inverse. Les solutions à l’oppression économiques sont toutes trouvées : il faut exproprier tous les titres de rente mais pas directement à une société sans argent a peu de sens. C’est une question à laquelle il faut réfléchir.
La question de la propriété privée
La cause première de la mauvaise exploitation de la nature et de l’exploitation des hommes, c’est le droit de propriété privée capitaliste. C’est pour cela qu’il faut l’abolir. Pour une société libre et sans classes, chacun doit posséder les organes de production.
La propriété individuelle sera abolie au fur et à mesure que le communisme montrera son efficacité. Ce qu’il faut abolir dès maintenant c’est la propriété capitaliste. La question de privilégier le communisme, le collectivisme ou individualisme se fera aux mêmes moments où les propriétés privées seront progressivement abolies.
Oppression politique
Errico Malatesta distingue trois principaux régimes politiques (dictature, réformisme ou association libre). Pour lui, les élections ne sont jamais libres en régime capitaliste car il existe des classes dominantes. L’erreur fondamentale des réformistes est de croire qu’exploiteurs et exploités peuvent s’entendre. Lorsqu’ils se sont entendus, c’était lorsque la conscience de classe était au plus bas avec l’abrutissement de la religion.
Il ajoute : « Nous ne sommes ni pour la majorité, ni pour la minorité, ni pour la dictature, ni pour la démocratie. Nous sommes pour l’abolition du gendarme. »
Les révolutionnaires ne sont pas forcément opposés aux réformes. Par contre, ils réfléchissent au fait que les réformes avantagent toujours les dominants en ce sens que soit elles augmentent leur pouvoir, soit elles améliorent la vie de chacun, soit les deux mais le plus souvent la première.
La fin et les moyens : Le programme de L’Union anarchiste italienne de 1920
C’est suite à cet ensemble de réflexions qu’Errico Malatesta propose un programme au sein de l’Union anarchiste italienne. Ce programme se compose de 7 points :
1- Abolition de la propriété privée de la terre, des matières premières
2- Abolition de tout gouvernement qui fait des lois qui perpétuent des systèmes de domination
3- Organisation sociale et du travail fondée sur des associations de producteurs libres
4- Garantie des moyens d’existence et de subsistance pour ceux qui n’ont pas les moyens de se subvenir à eux-mêmes
5- Guerre à toutes les religions et instructions publiques et scientifiques pour tous
6- Guerre aux rivalités et préjugés patriotiques et toute idée de frontière
7- Reconstruction de la famille autour de l’amour libre et de la libération de tous les systèmes d’oppression
Gauchistement votre,
Le Gauchiste