Aux origines de l’écologie politique
Les évènements de Mai 68 constituent un moment important d’amorce du développement de l’écologie politique en France.
Très rapidement, l’écologie politique prend une coloration socialiste et libertaire en revendiquant la sortie du capitalisme et du productivisme.
La pensée écologique française hérite de plusieurs registres comme la critique de l’aliénation constitutive de la vie quotidienne.
la critique de l’emprise de la technologie sur la société
ainsi que la perte du sentiment de nature
Le matérialisme historique et la lutte des classes sont en toile de fond mais ne sont pas au cœur de l’écologie politique. L’utopie de l’écologie politique reprend tout de même bien l’idée d’une société sans classes et sans hiérarchie. André Gorz est à l’image de cette idée entre marxisme et décroissance.
Cependant, des argumentations libérales et fascisantes se sont développées sur l’écologie politique. Antoine Dubiau se concentre dans son livre sur les propositions fascisantes de l’écologie.
L’écofascisme désigne soit les groupes qui seraient anti-écologistes, soit ceux qui défendraient une écologie trop extrême, qualifiée « d’écologie punitive ». Pour Bernard Charbonneau, l’écofascisme peut avoir un avenir qu’il soit plutôt de droite ou de gauche.
La fascisation de l’écologie politique
Antoine Dubiau pointe le fait que les idées fascistes peuvent germer au sein de milieux historiquement de gauche.
Nicholas Georgescu-Roegen établit pour la première fois une définition des processus économiques qui est fondée sur la thermodynamique. Il en arrive vite à la conclusion qu’une croissance infinie n’est pas possible dans un monde fini.
André Gorz parle de décroissance pour la première fois en 1972 de façon spontanée suite au Rapport Meadows. Il y interroge déjà des aspects réactionnaires derrière certains aspects à priori purement scientifiques de ce rapport. Gorz a une vision très démocratique de son idée de décroissance et dépasse la cadre économique de Georgescu-Roegen. L’écofascisme « de gauche » est alors plutôt vu sous l’effet de contraintes du système capitalisme que comme un contenu idéologique à part entière. André Gorz parle de « socialisme ou Ecofascismes » dès son époque.
Pour la majorité de la population, un régime écologique ne peut advenir que dans un cadre autoritaire car la démocratie actuelle est trop lente pour des changements rapides et également parce que seul un régime autoritaire avec des spécialistes pourrait provoquer des changements brutaux que les masses ne sont pas prêtes à faire de façon autonome.
Actuellement, la collapsologie devient peu à peu un domaine d’étude critiquable qui peut apporter de nombreux dangers. Rien ne dit que si certains paramètres vont dans une direction, des effets systémiques destructeurs suivraient. C’est se méprendre sur le fonctionnement de systèmes qui sont complexes. Qui plus est, l’effondrement existe déjà dans certaines parties du globe, ce qui montre le côté occidentalocentré de l’effondrement. La collapsologie est née et s’est développée au sein de la gauche mais elle a nourri des fantasmes fascistes en passant de l’idée de l’effondrement de la civilisation thermo-industrielle (idée originelle de la collapsologie) et l’idée de l’effondrement ethnique et européen défendue par l’extrême-droite.
Egalement, depuis plusieurs décennies se développe l’idée de « l’équivoque écologique » avec deux courants principaux, l’un progressiste et technophile et l’autre réactionnaire et technocritique. Certains veulent créer une troisième voie.
Certains courant décroissants sont ouvertement antimodernistes que ce soit à gauche avec certains urbanistes anti grandes-villes.
et certains chrétiens de gauche ou à droite avec un retour à une civilisation préchrétiennes
Serge Latouche, qui se dit « de gauche » intervient régulièrement dans des médias réactionnaires comme Krisis ou encore Elements. Sous prétexte de critiquer (à raison) certaines interprétations productivistes du marxisme, certains décroissants légitiment le fait de s’allier avec des personnalités d’extrême-droite sauf que c’est hyper grave.
La question du rapport à la modernité est centrale dans le possible passage d’une écologie « de gauche » à une écologie réactionnaire. Les écofasciste sont nécessairement antimodernistes alors que les écologistes de gauche selon leur tendance remettent en cause certains éléments de la modernité. Il apparaît que la critique de la modernité fait parfois dévier vers l’écofasciste.
L’appropriation de l’écologie politique par l’extrême-droite
Aux racines de l’écofascisme
Dans son état des lieux du fascisme italien, Olivier Forlin rappelle qu’il n’y a pas de définition claire du fascisme et qu’il ne peut donc pas y avoir de définition claire de l’écofascisme.
La thèse selon laquelle le fascisme qui a toujours été un écofascisme est difficile à démontrer car le fascisme italien et l’Allemagne nazie ont eu des économies productivistes. Le nazisme et le fascisme français concentrent tout de même la plupart des arguments selon lesquels le fascisme historique et l’écofascisme peuvent avoir des liens de convergence.
Dès le départ, l’idée d’Ecofascismes est complètement déconnectée de l’idée des fascismes historiques. Bernard Charbonneau voit davantage dans l’écofascisme le nazisme plutôt que la tragicomédie mussolinienne.
L’écofascisme dans le nazisme
Le mouvement Volkish en Allemagne (mouvement ethnico-nationaliste du peuple) peut être considéré comme un des premiers écofascismes. Il concentre deux éléments principaux (idée biologique et idée ésotérique sur cette biologie). Ce mouvement a influencé le nazisme sur les aspects « écologistes ». Le mouvement Volkish est anti-villes et souhaite un retour à des communautés paysannes végétariennes (ce qui a été peu appliqué).
Le régime nazi promulgue des lois entre 1933 et 1935 pour sauver la nature avec des conceptions végétariennes et une volonté de protéger des terres mais ça se fait dans la violence donc contre la majorité des écologistes (qui sont pacifistes). Surtout, l’objectif est en réalité davantage racial qu’écologique, il faut sauver la race donc on sauve l’écologie mais pas l’écologie en premier lieu. Les idées écologistes très vite écrasées par le régime.
Le régime de Vichy
Parfois considéré comme une application réelle du « fascisme français », le Régime de Vichy tente de faire converger des idées réactionnaires et des idées écologistes. Des politiques « environnementales » sont appliquées avec des relents ruralistes. Pour autant, le Régime de Vichy fut hautement productiviste.
La principale interrogation que posent les fascismes historiques est de savoir si la phase industrielle et capitaliste du fascisme serait une transition pour retourner à une phase traditionnelle, naturaliste et écologiste.
Le fascisme se développe années 1920 et 1930 alors que l’écologie politique se développe à partir des années 1960/1970. Le fascisme s’est donc adapté et n’avait pas du tout l’écologie politique dans ses préoccupations au début.
L’écofascisme aujourd’hui
Le terme de « fascisme » est utilisé dans un cadre à la fois de continuité et de discontinuité avec la notion de « fascisme historique ».
Pour le Zetkin collective, il y a dans le fascisme des positions dominantes de défense de la race blanche, du capital fossile. Les deux sont liés historiquement et idéologiquement.
Pour Antoine Dubiau, la France connait actuellement trois principaux mouvements proches de l’écofascisme.
La Nouvelle Droite
La Nouvelle Droite propage des idées circulaires de la race, de l’identité et de l’écologie. Pour ce mouvement, la nature fait se reproduire les races, les identités donc nécessité de préserver la nature.
Ce mouvement naît de la fin des années 1960 jusqu’à nos jours. Les militants se battent avant tout sur des idées et pas vraiment sur le terrain. Le mouvement regroupe quatre éléments distinctifs (traditionalisme anticatholique, néo conservatisme, communautarisme ethniciste, positivisme/scientisme).
Le Nouvelle Droite défend l’idée d’une révolution conservatrice pour sauver la race blanche comme dans le nazisme. Cette approche passe de l’anthropologie racialiste de la fin des années 1960 à l’anthropologie différentialiste à partir de la fin des années 1970. La notion de race disparait pour celle d’identité. Ils disent défendre les peuples et leur culturel dans un esprit néo-païen. Le néo-paganisme de la Nouvelle Droite qui estime que le christianisme a fait partie des pas vers la modernité qui a pour but d’homogénéiser les peuples. ND très antimoderniste.
Une culture nordiciste aurait existé avant toutes les autres cultures. Julius Evola parle de « Tradition primordiale » qui serait « antérieure à toutes les traditions locales » Le nordicisme de la Nouvelle Droite est ésotérique et non biologique (on était tous noirs au début) est à la racine des idées de la Nouvelle Droite. Pour elle, les Juifs ont colonisé l’esprit du peuple originel (blanc) et s’en est suivi la suite du judaïsme (le christianisme), tout cela a participé au développement de la « modernité ».
A ses débuts, la Nouvelle Droite rejette l’idée de décroissance. Elle voit l’écologisme comme une suite du marxisme et a une haine de Françoise d’Eaubonne qui est très antihiérarchique. ND est très hiérarchique avec idée de domination de la nature comme dans le Discours de la méthode de Descartes.
Le fait de décrire les peuples par leur « culture » et non par leur « race » est une façon de faire passer des discours racistes et mêmes racialistes. Cette approche fait partie de l’aspect gramsciste de la Nouvelle Droite.
La différence entre l’extrême-gauche (les situationnistes notamment) et la Nouvelle Droite est que pour l’extrême-gauche, c’est le système productif qui produit l’aliénation alors que la Nouvelle Droite insiste sur le côté culturel de l’aliénation. L’écologie de la Nouvelle Droite n’est pas matérielle mais avant tout spirituelle.
L’écologie intégrale
Est-ce que l’écologie et le catholicisme peuvent converger ? Les libertaires ont le plus souvent mis les catholiques car ils estiment même que le catholicisme est la forme la plus radicale de défense de l’anthropocène.
Or, le catholicisme évoque le problème écologique depuis plusieurs décennies et à partir des années 2010, le pape parle « d’écologie intégrale » même si ce n’est pas lui qui a fondé le terme. La revue Limites est révélatrice de ce changement. Des auteurs « de gauche » comme Michéa écrivent dans Limites et évoquent l’idée « libéral-libertaire » de Clouscard.
L’écologie intégrale repose sur deux choses principales : l’idée de l’enracinement des peuples ainsi que idée de recréer un enracinement de ces peuples.
Gravitation autour du Rassemblement national
De nombreux groupes comme Les Localistes, fondé dans les années 2010, qui défendent des idées localistes en étant proches du Rassemblement national.
Est-ce que le Rassemblement national souhaite uniquement faire du greenwashing ou a-t-il des véritables idées écologistes ? La réalité est qu’il existe des convergences entre les écofascistes de Nouvelle Droite, de l’écologie intégrale et du Rassemblement national sur la volonté de défendre l’identité européenne et les identités locales.
Cependant, l’éconationalisme (le nationalisme prend la forme de l’écologie pour agir au grand jour) se développe peu car le RN n’est pas assez écologiste et que la Nouvelle Droite et l’écologie intégrale sont avant tout localistes.
Pas vraiment d’éconationalisme que ce soit au RN (pas assez écolo) et à ND et écologie intégrale car ces deux derniers sont surtout localistes.
Absence d’autonomie de l’écologie politique d’extrême-droite et réorientation de l’écologisme de gauche
Nous avons donc vu un double mouvement. D’abord la fascisation de l’écologie se développe car on est démunis face au problème écologique et du coup l’écologie se fascise car les courants réactionnaires utilisent un certain nombre de propositions émanant d’abord de la gauche (l’écologie politique venant d’abord de la gauche) pour l’intégrer ensuite à des courants réactionnaires.
Face à l’anthropocène et au caractère jugé inévitable de la domination humaine sur la nature, certains y ont opposé le Capitalo-scène comme les marxistes (domination du capital) ou encore le Plantacionocène (domination des puissances impérialistes) comme certains auteurs écologistes décoloniaux
ou encore la Technocène (domination à travers la technologie) comme des auteurs technocritiques
Tous ces récits de groupes qui subissent des dominations ont des visées émancipatrices et ont pour but de s’opposer aux logiques de dominations qui entrainent des visions anthropocentrées du rapport humain avec la nature.
Cependant, le fait de construire des récits historiques alternatifs ne veut pas dire qu’on remet en cause des visions anthropocentrées. Pour l’instant le fascisme est productiviste mais qu’en sera-t-il plus tard ? Comment conserver les intérêts de la bourgeoisie avec l’écofascisme ?
Il faut se méfier des définitions idéalistes et pas matérialiste/marxisme de la « classe écologique » de Bruno Latour car la conscience écologique de la classe écologique n’y est pas définie par Latour par sa place dans les rapports sociaux. Dans les faits il fait complexifier le matérialisme historique en y ajoutant la dimension écologique.
En définitive, Antoine Dubiau insiste sur le fait qu’il n’existe pas de véritable conception écologiste propre à l’extrême-droite mais l’extrême-droite développe des idées écologistes par opportunisme pour défendre d’autres valeurs plus importantes pour elle.
Gauchistement votre,
Le Gauchiste