Qu’est-ce que la police et à quoi sert-elle ?

L’ouvrage collectif Défaire la police (2021) démarre par des considérations générales de Serge Quadruppani et Jérôme Floch Pour eux : « La police ne combat en rien l’insécurité systémique car elle en est un rouage essentiel. »

Par ailleurs, Le désir de police est un désir lié à l’infantilisation que nous entretenons à croire que nous ne réussirons pas à faire exercer la justice sans elle.

Le policier est majoritairement blanc issu des classes populaires. 80% viennent du monde rural ou de petites villes et 60% adhèrent aux idées d’extrême-droite. Ils se savent méprisés par la population, leur hiérarchie et leurs bas salaires. 24% disent avoir déjà eu des pensées suicidaires soit 6 à 7 fois plus que la moyenne de la population. Ils seraient certainement les premiers à avoir avoir la police.

Pourquoi le policier se déteste autant ? Le policier se rend bien compte que la violence qu’il exerce est au service des puissants et ne sert pas ses intérêts. Sa violence est gratuite dans le sens où il donne cette violence sans être suffisamment rétribué pour.

Il accepte son travail car il délègue toute responsabilité à l’Etat et à des idées abstraites dont il repose la responsabilité. Ce qui rend le policier détestable c’est son acceptation de la banalité du mal. Dans la préface de son texte Textes des prisonniers de la fraction armée rouge (1977), Jean Genet différencie violence est brutalité. La violence existe dans la vie et n’est pas forcément utilisée pour restreindre la liberté alors que la brutalité sert à restreindre la liberté

Le collectif Matsuda prend l’exemple du film Un pays qui se tient sage (2020) de David Dufresne, on voit bien les corps mutilés mais ce qui n’est pas montré c’est la brutalité contre la volonté de changement de l’ordre social.

Les premières apparitions de la police en uniforme datent du XVIIIème siècle et des slave patrols (milice d’hommes blancs qui surveillent les esclaves noirs). Il y a également les vigilance committee qui étaient des bandes armées de blancs protégeant la famille, la propriété privée de la race blanche. Toute la construction de la police au XIXème siècle est liée au fait de réprimer les esclaves, le prolétariat et toutes les révoltes ouvrières. Pour le collectif Matsuda, la prison nait du syncrétisme entre la volonté de punir du christianisme et le développement de l’Etat moderne. Triple critique (du genre, de la race et de la classe sociale).

Elsa Dorlin achève cette définition de la police en affirmant que « La police est désormais la seule incarnation de ce qui reste du service public. Car tout le reste du service public s’effondre. Elle ajout que la police doit faire peur pour que nous puissions continuer à la désirer. Ceux qui soutiennent la police aiment le fait que la police fasse ce qu’au fond ils aimeraient faire.

Dès lors, comment l’Etat parvient à convaincre des policiers de violenter leurs « frères de classe » ? Car l’Etat fait tout pour protéger tous les privilèges de la police (hétéro-patriarcat, sexisme, racisme, avantages sociaux) pour pallier le fait que ces mêmes policiers sont dominés par l’Etat en ce qui concerne leur classe sociale.

Elsa Dorlin estime qu’aborder la question de la police sous l’angle de la question de la violence légitime de l’un ou de l’autre ne peut produire que de l’épuisement intellectuel, moral et physiquement. C’est toute la logique carcérale et de l’autorité venant d’un extérieur, cet extérieur étant le capital, le patriarcat, le racisme et tous les systèmes oppressifs, qu’il faut abolir.

Serge Quadruppani et Jerome Floch concluent sur le fait que désormais, es GAFAM contrôlent nos esprits et la police contrôle nos corps. Avec les attestations de sortie COVID, nous sommes passés de l’auto-entrepreneur à l’auto-policier. Si on avait fait arrêter les gens de travailler tout en les autorisant à sortir ça aurait pu permettre aux gens de discuter et pourquoi pas de s’auto-organiser face aux pouvoirs.

Abolir la police et la prison

Dernièrement, Le seul mouvement d’envergure récent qui a réfléchi à la question de la police a été les Gilets jaunes et pas parce qu’ils étaient anti-polices de base mais parce qu’ils y ont été confrontés. L’exemple des Gilets jaunes nous montre que destituer la police c’est surtout créer tous les liens du monde où celle-ci est exclue.

Le collectif Matsuda s’appuie sur Angela Davis et son livre La prison est-elle obsolète ? (2003) pour affirmer que « Défaire la police c’est donc d’abord défaire sa prétention à faire tranquillement partie du paysage. C’est ensuite révéler on historicité, les conditions de son invention moderne, afin de dévoiler ses effets actuels. »

Le mouvement abolitionniste de la prison s’appuie sur de nombreux moments comme le Mouvement des émeutes de Watts 1966 où le groupe PREAP demande l’abolition de la prison. Egalement, le concept de Prison industrial Complex tente d’intégrer la logique carcérale au sein de la logique du capitalisme pour démontrer comme les deux s’auto-alimentent. (Cf. Prison Research Education action – Instead of Prisons A Handbook for Abolitionists).

Une autre forme de justice

Réflexions abolitionnistes, autodéfense

Le collectif Matsuda rappelle le fantasme des abolitionnistes sur les « communautés » où on se passe de la police. Le collectif défend que « Défaire la police dans une perspective abolitionniste, ne consiste pas à recréer une meilleure police non armée et communautaire. Il s’agit de dégager des logiques carcérales, notamment en questionnant la notion de crime, de responsabilité individuelle et les catégories d’agresseur et de victime. »

Louk Hulsman ajoute que : « Les gens ont besoin des situations-problèmes de la même manière qu’ils ont besoin d’oxygène et de nourriture. Plutôt que de prévenir les situations-problèmes, le plus important est d’essayer d’influencer les structures sociétales afin que les individus puissent faire face et gérer les problèmes d’une façon qui permette de progresser, d’apprendre et d’échapper à l’aliénation. »

Elsa Dorlin évoque une certaine érotisation de la brutalité, de la soumission et de l’humiliation comme représentation normative de la paix sociale. Il n’y a pas que la forme-Etat qui peut pacifier la vie sociale. Pour elle, il faut développer des stratégies d’autodéfense et désarmer la police.

Beaucoup de mouvements ont essayé de développer l’auto-défense comme les femmes, les Noirs et toutes les minorités qui à un moment ou un autre ont matérialisé des stratégies d’auto-defense lorsque que iels estimaient que la police ne les défendait pas. Celleux ont par ailleurs aussi conceptualisé différents façons de concevoir la justice.

La justice transformatrice

L’exemple de justice communautaire contre la prison la plus connue est celle de la justice transformatrice. Lorsque la loi est enfreinte, la justice transformatrice accompagne et soutient la victime, la mettant dans des conditions sûres, elle accompagne l’auteur à reconnaître ses torts et finalement il y a des réflexions communautaires sur les causes structurelles.

La justice transformatrice dans le féminisme

Irene propose toute une réflexion sur la justice transformatrice dans le féminisme. Pour elle, les années 70 voient les femmes entrent dans le monde du travail et se soumettre au patronat qui est représenté par le mâle blanc cisgenre hétérosexuel, raciste et bourgeois. Dorénavant, quelle doit être la stratégie féministe pour l’émancipation ? Demander à l’Etat de libérer les femmes ?

Les femmes demandent généralement de l’aide à l’Etat et nous trouvons ça normal. Le collectif LASTESIS de Valparaiso a fait une chanson qui est devenue un hymne féministe. La chanson est inspirée par les thèses de Rita Laura Segato et sa phrase « L’Etat est un mâle oppresseur violeur. »

Pour Irene, l’Etat et le patriarcat ne font qu’un. La domination masculine n’est que la continuation de l’appareil d’Etat. Alexandra Kollontai rappelle dans Les bases sociales de la question féminine (1909) que « Les conditions et les formes de production ont assujetti les femmes tout au long de l’histoire de l’Humanité ».

Les femmes devraient demander de l’aide à l’Etat alors que la police représente la masculinité toxique hégémonique ? Si la plupart des féministes pensent que l’Etat peut nous sauver c’et parce qu’elles pensent qu’il vaut mieux que la prison existe par rapport à la violence masculine. Elizabeth Bernstein invente le terme de « féminisme carcéral » pour expliquer les liens de convergence entre le féminisme hégémonique depuis les années 1970 et le système carcéral.

Le Texte Qu’est-ce qu’on fait des violeurs ? Perspectives anarchistes sur les moyens de faire face à la violence sexuelle et aux autres agressions sexistes ? voit par exemple des féministes réfléchir à la justice transformatrice de façon autogérée.

La justice transformatrice dans le Chiapas

Le Chiapas est l’un des autonomies les plus réussie du monde avec un auto-gouvernement populaire, et des formes autodéterminées. La police contrôlée par des municipalités qui dispose d’un bâton noir, police qui peut être démise en permanence.

La justice du Chiapas est une justice de médiation avec des jugements horizontaux et pas verticaux. L’échelle municipale semble être la plus propice à la justice autonome. le but de cette justice est de gérer collectivement les victimes et les coupables en faisant également en sorte que ceux-ci trouvent une réconciliation.

Il existe par ailleurs très peu de prison chez les zapatistes. Elles existent mais dans des cas extrêmement rares (ivresse, temps de la procédure) au maximum 24 à 48h. Si une personne continue à dépasser la loi, elle est exclue de la communauté. Il faut ajouter que la justice n’est pas spécialisée, chaque citoyen ordinaire peut être juge. Le système judiciaire su Chiapas connait de grandes réussites avec extrêmement peu de féminicides et de meurtres alors même que le Chiapas lutte contre tous les narcotrafics et les pays frontaliers qui ont des fonctionnement très violents.

Gauchistement votre,

Le Gauchiste