Recueil d’écrits qu’il a énoncés pendant ses années d’enseignement et notamment en 1952 à l’Ecole nationale d’administration (ENA). Derrière cet écrit, c’est un intellectuel doté d’une très grande qualité d’orateur qui s’exprime.
Ce cours fut l’occasion pour Raymond Aron de transmettre toutes ses connaissances de la philosophie politique à des futurs ambassadeurs et dirigeants peu connaisseurs de cette discipline importantissime.
Cette oeuvre s’inscrit dans la pensée connue de Raymond Aron, celle de la tentative de compréhension de la démocratie libérale et de la critique ferme des régimes communistes soviétiques.
Grand défenseur du machiavélisme, Aron ne s’est pour autant jamais décrit comme quelqu’un de machiavélique. Il prône une vision davantage angélique qui ne va pas de paire, selon ses propres dires, avec la politique, qui concentre en elle toutes les violences possibles et imaginables.
Pour comprendre la philosophie politique du XXème siècle entre démocratie occidentale et démocratie populaire, Raymond Aron définit d’abord la démocratie occidentale puis la démocratie populaires, les deux à travers leurs institutions. Il en résulte un pacifisme de la part de l’intellectuel français et une négation de l’idée selon laquelle l’histoire aurait un sens.
Quelle philosophie politique au XXème siècle entre démocraties occidentales et démocraties populaires ?
Alain et Mauras, grandes figures de l’idéologie politique du premier XXème siècle
Aron distingue deux types de philosophies politiques. Le premier type voit se concentrer l’étude de la métaphysique et du religieux pour comprendre une société (conception kantienne qui expose comment la politique devrait fonctionner) alors que le deuxième type voir l’étude des hommes directe pour comprendre leur cosmos et leur métaphysique (conception de Machiavel qui cherche à savoir comment la politique fonctionne).
Aujourd’hui, il n’y a quasiment plus de métaphysique ou de religiosité. Il faudrait donc s’appuyer sur l’étude de l’homme pour penser comment le gouverner au mieux plutôt que de commencer par une réflexion sur le bon gouvernement pour commencer.
Pour comprendre la politique actuelle, Raymond Aron s’appuie sur deux grands philosophes phares de la philosophie politique du début XXème : Alain et Maurras. Dans son argumentation, l’intellectuel français nous expose qu’aucune tendance politique (libéraux, jacobinistes, catholiques, socialistes) n’a vraiment eu de vision politique globale car toutes ces tendances sont selon lui en voie d’épuisement. Il en résulte que les futurs haut-fonctionnaires ne choisissent leur parti que par opportunisme, délaissant toute vision politique.
Alain
(Alain, grand intellectuel français du XXème siècle)
La philosophie politique d’Alain voit se jumeler pouvoir temporel et pouvoir spirituel. Pour lui, les individus obéissent au pouvoir temporel mais doivent désobéir dans l’esprit grâce au pouvoir spirituel qu’ils doivent cultiver. Dans ce cadre, le philosophe français incite les individus à agir moralement, c’est-à-dire toujours en faveur des plus faibles qui sont écrasés. Politiquement, Alain propose que les ministres et hommes d’Etat soient directement des représentants de l’opinion publique, peu importe leurs compétences, tant qu’ils font ce que les citoyens veulent. Le problème de la pensée d’Alain, c’est qu’elle est a-historique. Vouloir que les citoyens obéissent et se rebellent dans le même temps crée une dichotome soulevée par tous les autres philosophes. Ce que Raymond Aron retient d’Alain, c’est sa critique de l’adoration quasiment métaphysique du pouvoir par certains pour s’auto-persuader du bien-fondé de leur obéissant alors qu’il faut pouvoir critiquer tout pouvoir.
Maurras
(Charles Maurras, théoricien du retour à la monarchie absolue en France)
Maurras a des similitudes avec Alain dans le côté subversif. Contrairement à Alain qui se veut du rationalisme cartésien, Charles Maurras développe davantage un rationalisme concret proche des idées d’Auguste Comte. Sa vision est classique, celle de l’Ancien Régime, décentralisé, royaliste et absolutiste. Tout comme Maurras ne croit pas au jacobinisme tout en le prônante, Maurras défend la monarchie absolue chrétienne sans y croire, car on ne peut pas faire ça pour créer de l’ordre. Maurras a voulu restaurer la monarchie mais sa vision était avant tout négative (haine de Juifs, des francs-maçons) plutôt que positive (valorisation de la religion, de l’ordre, des 3 ordres).
Conclusion : L’absence de philosophie politique en France au XXème siècle
En définitive, Alain et Maurras ne croient pas en profondeur aux univers qu’ils sont censés défendre. C’est un symbole de l’épuisement des idéologies françaises (Alain n’est pas jacobin et Maurras n’est pas monarchiste). Les deux sont enfermés dans l’histoire du cadre de France, dans une vision insulaire. « Tout pouvoir est monarchique » pour Maurras et « Tout pouvoir est absolu » pour Alain car ils croient que l’histoire est statique, qu’il y a des vérités historiques ; ils ne se sont jamais vraiment attaqués à la politique.
Si en France nous avons eu des idéologies politiques, nous n’avons pas eu de philosophie politique.
Démocratie
Essai de définition de la démocratie
Tocqueville rompt avec les idéologies en proposant l’idée que la problématique de notre civilisation occidentale sera de savoir si les libertés seront préservés (société libérale) en même temps que se développe l’égalité (société égalitaire).
(Alexis de Tocqueville, théoricien de la démocratie)
Pour Raymond Aron, il faut d’abord définir ce qu’est la démocratie. Cela pourrait être la « souveraineté populaire » mais c’est trop abstrait. Par contre, au niveau institutionnel et concrètement, la démocratie est la concurrence de chacun pour accéder aux postes de façon pacifique.
Comment s’organise la concurrence ? (Election ou tirage au sort)
Qui est admis à participer à la concurrence ? (En théorie tout le monde mais en pratique il y a des minorités qui gouvernement et d’autres qui sont exclues).
En quoi consiste l’organisation de la concurrence ? —> Sur la Constitution : « Il n’y a pas de Constitution plus compliquée et plus arbitraire que la Constitution américaine, il n’y en a pas qui soit plus respectée. » Il faut avant tout que le peuple croit en sa Constitution car une Constitution est par essence arbitraire.
La vertu essentielle de la démocratie, selon Montesquieu, c’est l’esprit du compromis. L’avantage de la démocratie, c’est de mettre en place des contre-pouvoir en plus du pouvoir et de ne pas seulement mettre en place un pouvoir.
(Montesquieu, défenseur de la démocratie et de son caractère modéré)
Idées et réalités démocratiques
La démocratie véritable n’existe jamais. Elle subit deux critiques principales : la critique marxiste (Constatation de la disparité entre principes démocratiques et réalité sociale) et la critique machiavélienne (Toutes les démocraties sont des oligarchies, reste à savoir quelle sera la meilleure oligarchie). Ce qui sera intéressant de se demander, c’est quels sont les différents types d’oligarchies ?
Sur la souveraineté populaire. Elle s’exerce dans nos sociétés par la souveraineté représentative du peuple où le peuple liguerait son pouvoir. Avec ce système là, les gouvernants oublient leur mission métaphysique (pouvoir donné par Dieu, mission) et légitiment leur pouvoir par le simple fait que c’est le peuple qui lui a confié. Souvent, on ne sait pas ce que veut exactement le peuple et beaucoup de questions sont si complexes qu’il ne pourrait y répondre.
Sur la liberté, Raymond Aron note que le système de compétition électoral s’est beaucoup développé tandis que les libertés individuelles se sont globalement réduites, d’autant plus que le système de compétition électoral n’offre pas forcément de liberté. L’intellectuel français ajoute que ces libertés intéressent différemment les individus et que les gouvernants peuvent être amenés à de ne pas limiter leur pouvoir. Aussi, il n’y a pas forcément de pluralisme politique selon les Etats. En définitive, la compétition électorale ne garantit pas l’ensemble des libertés
Sur l’égalité, le penseur français estime que nous sommes arrivés à l’égalité politique où chacun peut participer à la compétition électorale. En résulte deux choix possibles de sociétés :
Les démocraties de type libéral avec un régime plutôt constitutionnel de l’idée de John Locke
Les démocraties de type égalitaire avec un régime plutôt étatique de l’idée de Rousseau avec le Contrat Social où il est plus important de surveiller l’origine populaire du pouvoir plutôt que sa limitation
(John Locke, théoricien politique)
Pour Raymond Aron : « La justification qui me paraît la plus forte de la démocratie, ce n’est pas l’efficacité du gouvernement que se donnent les hommes lorsqu’ils se gouvernent eux-mêmes, mais la protection qu’apporte la démocratie contre les excès des gouvernants. »
De l’instabilité des démocraties. Les causes de cette instabilité
Raymond Aron considère que le régime démocratique est instable par essence. Il dénote trois causes principales d’instabilité :
L’ambition et des hommes et l’appel des masses : Il y a une perpétuelle incertitude sur la place de chacun dans le régime. Le système démocratique porte par essence le mécontentement. Il faut pour autant laisser les hommes être régis par leurs ambitions tout en faisant en sorte que ces ambitions soient contrôlées. Raymond Aron nous propose deux solutions pour limiter la démagogie (Faire en sorte que les représentants montrent unité et solidarité et
La dissociation entre le pouvoir politique et la puissance sociale : Il y a instabilité à cause des relations entre la concurrence pour l’exercice du pouvoir et la structure sociale. Soit les gouvernants sont trop puissants et critiqués par la masse, soit les gouvernants sont trop hétérogènes et la démocratie peut ainsi courir à sa perte (manque d’expérience des gouvernants). En élisant des « petites gens », on peut courir le risque du manque de personnalité en temps de crise et de potentielle corruption également. Il conclut : « On arrive à maintenir le système lorsque les représentants non-privilégiés ont l’impression qu’ils peuvent monter et que, par conséquent, ils ont une chance dans le système, sans être contraints de faire la révolution. »
La démocratie se croit tenu par des principes et oublie ses ennemis : La faiblesse de la démocratie, et ce qui fait son essence, c’est justement de permettre à chacun de participer pacifiquement au pouvoir, même aux anti-démocrates. Le philosophe français expose qu’il y a une limite à la liberté, lorsque le peuple se veut être contre la liberté. Il est donc du devoir de la démocratie de se défendre contre ceux qui veulent nuire à sa liberté. Pour autant, cela ne se fait pas car les hommes favorables au système démocratique sont souvent peu combatifs et surtout, ils espèrent profiter des personnes non-démocrates pour gagner. Globalement, les ennemis sont les membres de l’ancienne aristocratie dont le pouvoir a été déchu et les masses populaires qui ne croient plus au changement par la démocratie
La corruption des démocraties
La corruption tient au système même de compétition : car ce système promeut souvent des personnages tempérés et conciliateurs (notamment lors de la IVème République en France). En se référant aux réflexions sur la violence de Georges Sorel, Raymond Aron nous indique la potentielle naïveté des démocrates à vouloir chercher le compromis face à des dirigeants qui ne cherchent que la violence et le pouvoir absolu (Hitler contre le Front Populaire)
(Portrait de Georges SOrel)
La corruption des démocraties liée à l’esprit de faction : Lorsqu’un parti politique, même démocrate s’aperçoit qu’il défend les intérêts d’un groupe social (la bourgeoisie), il en vient à politiser les administrations et créer facilement des conflits d’intérêt. Aussi, le système-même de la démocratie crée des factions dont deux principales sont exclues (les marxistes à l’extrême-gauche et les fascistes à l’extrême-droite, les uns revendiquant l’unité sociale et les autres l’unité nationale). La démocratie part sur les postulats d’égalité sociale et de socle national mais rapidement, les deux se désintègrent
La corruption liée à la relation entre gouvernants et gouvernés : C’est lorsque les gouvernés deviennent des gouvernants et que les gouvernants deviennent des gouvernés. Dans un tel cas, le pouvoir cède aux caprices des libertés individuelles de chacun, ce qui peut amener à une paralysie du système tout entier. C’est là où la critique de Maurras est efficace, dans le sens où il n’y a que dans la monarchie où l’intérêt privé de la famille royale va de paire avec l’intérêt national et où il n’y a pas de compétition et de dislocation de la passion nationale
L’action propre du système de la compétition
A présent, Aron se demande quelle est l’action propre du système de la compétition sur la société ? Ce n’est pas évident d’y répondre car une société démocratique n’est pas jamais totalement démocratique et surtout, les changements contemporains sont davantage dus à l’industrialisation.
Le système de compétition dans l’ordre politique : D’abord, la démocratie est par essence fragile car les hommes élus acceptent d’être des hommes comme les autres et de ne pas avoir de raison métaphysique de gouverner (d’autant plus que l’oligarchie est dans l’obligation d’accepter des éléments extérieurs pour pouvoir fonctionner). Toute la difficulté est de faire en sorte que les partis anti-système acceptent le système et ne le renversent pas, c’est un équilibre complexe
Le système de compétition dans l’ordre économique : Les démocraties fonctionnent avec l’obsession du domaine économique et le développement de la démocratie politique, comme si le marxisme était forcément vrai et que les problèmes économiques étaient décisifs. Pour autant, on voit souvent les chefs des partis extrémistes proférer des discours idéalistes et héroïque, loin des considérations économiques et avoir du succès. Paradoxalement, libéralisme politique et libéralisme économique ne vont pas de paire car selon Aron, si on laissait fait elle libéralisme politique à outrance, on tomberait dans un Etat socialiste tout comme on tomberait dans une dictature si on laissait faire le libéralisme économique à outrance. Pour autant, on peut jumeler une partie de libéralisme politique et une partie de libéralisme économique. Ca donne une oligarchie au pouvoir qui donne des libertés aux détenteurs des moyens de productions tout en réduisant leurs libertés pour faire en sorte que les conditions de vies du peuple ne soient pas trop difficiles. C’est cet équilibre qui régit nos sociétés
La combinaison des deux ordres crée le problème de la démocratie : Le système de compétition pousse à l’affairisme au niveau politique et à la compétition en groupes organisés au niveau économique. Pourquoi est-ce que ces deux évolutions sont contradictoires selon Raymond Aron ? Car le côté politique affaiblit le pouvoir sauf que le domaine économique étend son champ d’action ce qui crée un équilibre. Dans ce cadre, pour faire survivre le système de compétition électorale, il faut deux éléments (suffisamment de pluralité et de vraies forces contraires ainsi que des hommes politiques qui ne souhaitent pas devenir totalement dirigiste), ce qui est tout à fait possible
Les mérites et les inconvénients du système démocratique
Pour conclure sur la démocratie, les critiques sont faciles. C’est à la fois une oligarchie qui se cache derrière la démocratie et ces régimes ne sont jamais complètement stables.
Pour autant, la démocratie a de nombreux mérites. Dans une vision machiavélienne, le meilleur des régimes est le moins mauvais. De ce point de vue là, la démocratie est le meilleur des régimes car elle est le moins mauvais.
(Nicolas Machiavel, théoricien politique du XVIème siècle en Italie)
Dans la vision platonicienne, il y a trois régimes avec leur penchant bon et leur penchant mauvais (Monarchie / Tyrannie ; Oligarchie / Ploutocratie ; Démocratie / Démagogie). Il estime que le plus mauvais des 3 « bons régimes » avec la démocratie et que le meilleur est l’oligarchie.
(Platon, auteur grec de la République)
En assimilant les deux visions, Raymond Aron fait le plébiscite de la démocratie en assurant qu’elle est bien le moins mauvais de tous les régimes.
Révolution
Pour autant, d’autres définitions de la démocratie existent, en dehors de la définition élaborée à partir de ses institutions. C’est ce qu’on va voir avec les révolutions qui souhaitent mettre en place d’autres formes de la démocratie. L’attention sera portée sur la doctrine marxiste.
Les idées fondamentales de la doctrine « marxiste »
Aron reprend la Contribution à la critique de la philosophie du droit de Hegel pour expliquer au mieux le marxisme. Pour Marx, la démocratie permet les libertés formelles car chacun peut voter. Cependant, l’activité politique n’est que secondaire pour les individus. La société dans laquelle ces individus vivent vraiment avec la société civile, c’est-à-dire à travers leur activité concrète, économique au sein des membres de la communauté. Ainsi, pour arriver à une société égalitaire, il faut trouver une égalité au sein de la société civile au niveau économique et social.
L’opposition marxienne à la démocratie : est l’opposition entre ce qui est proclamé dans la Constitution et ce qui se passe en réalité. Formellement, il y a égalité mais dans les faits non. Pour Marx, la société civile est l’essence de l’homme, le priver des moyens de production et d’égalité est un crime. Il faut aussi voir si les régimes oeuvrent vraiment pur l’égalité ou se contentent de faire des promesses. Ainsi, l’intellectuel allemand nous pousse à considérer le prolétariat comme la future force : « Les philosophes sont la tête, l’intelligence de l’humanité, le prolétariat en sera le coeur. »
L’aliénation économique et ses origines : C’est un thème développé dans les Manuscrits économico-philosophiques écrits en 1844. A travers la critique religieuses, Marx développe l’idée que l’homme ne réalise pas sa propre nature et crée des subterfuges (religion, science, …). En étant aliéné économiquement, Kart Marx explique que l’ouvrier ne réalise pas sa propre humanité dans son travail. L’homme est alors esclave de sa propre création. Avec la propriété privée, l’homme est doublement aliéné (quand il travaille par son patron mais aussi aliéné par le marché et ses forces obscures).
La nécessité historique du matérialisme historique : Alors que la première partie de l’oeuvre de Marx consiste à analyser les sociétés et l’oeuvre de Hegel, la deuxième partie, à partir de 1848, consiste à montrer le matérialisme comme nécessité philosophie et historique. Avec Le Capital, Marx expose sa vision de la valeur et en conclut que le capitalisme court à sa perte avec le gonflement des effectifs du prolétariat
(Karl Marx et Engels, théoriciens socialistes)
La conception marxiste de l’histoire : Pour Marx, l’homme est créateur de lui-même et crée ses conditions d’existence avec le travail et les outils. Au sein du marxisme, Aron distingue le marxisme critique et le marxisme humaniste. Dans le marxisme critique, le but est de juger les régimes sociaux non par rapport à leurs idéologies mais d’après leurs réalisations. En améliorant les institutions, Marx veut arrive à « l’homme total » et à l’organisation rationnelle de la vie collective. Dans un premier temps, ce n’est pas forcément révolutionnaire. Cela le devient car pour l’intellectuel allemand, le grand maux de l’homme, c’est d’être aliéné à cause de l’économie et donc à cause de la propriété privée. On voit alors un mélange d’humanisme critique (dont Jean Jaurès serait l’héritier on ne souhaitant pas la Première Guerre mondiale et en étant réformiste) et d’humanisme catastrophiste (Dont Lénine serait l’hériter en voulant la guerre européenne pour amener la révolution)
La transformation du marxisme en millénarisme
Très rapidement, la philosophie marxiste se propage en Occident et devient un millénarisme, autrement dit un nouvel horizon qui proposerait un ordre social qui ne s’est jamais vu auparavant. Pourquoi donc ?
La richesse du marxisme tient du fait qu’il combine les grands thèmes idéologiques de la pensée occidentale : C’est tout d’abord une pensée historique car le postulat est que l’avenir sera mieux que le présent, ce qui est classique en Occident. Dans le même temps, le marxisme est une science (très à la mode en Occident en XVIIIème et XIXème) et a une posture romantique presque chrétienne de la destruction d’un ordre pour en créer un plus juste où les pauvres prendraient leur revanche.
Le marxisme est une doctrine admirablement équivoque : Cette doctrine provoque plusieurs interprétations possibles (Est-ce qu’il faut directement agir sur les forces de production ou alors sur les moyens de production / Comment expliquer que la pensée se fasse d’abord par la réalité pour devenir pensée ensuite ? / Qu’est-ce que le matérialisme historique ? / Relation entre destruction du capitalisme et avènement du socialisme ?)
En définitive, il y a autant de version du marxisme qu’il y a de doctrines philosophiques (marxisme kantien, marxisme sartrien, marxisme hégélien). Le marxisme est à la fois une idéologie et une philosophie politique qu’il faut compléter.
En se développant, le marxisme a engendré avec lui le bolchevisme et ses deux caractéristiques principales :
Technique d’action et conception du parti : C’est l’idée de Lénine qui propose à la fois des intellectuels révolutionnaires en haut de la hiérarchie du parti et une autorité quasi absolu de ce parti pour aider les prolétaires à faire la révolution. Cette conception fut rapidement critiquée par Trotsky qui considérait que le parti allait prendre la place des prolétaires dans le processus révolutionnaire
Qu’est-ce que doit être la révolution russe ? : La vision de Lénine (passage par la révolution brugeoise à la révolution socialiste) s’opposait à la vision de Trotski (idée de révolution permanente qui amènerait directement le prolétariat au pouvoir).
(Lénine, théoricien du marxisme-léninisme)
Les institutions des « démocraties populaires »
Le parti unique et de l’absence de pluralité politique : Pour Raymond Aron, il ne peut y avoir de règles précises pour savoir qui sera nommé à chaque place du parti dans le cadre d’un parti unique qui gouverne un pays. L’intellectuel français précise que dans un tel système, la propagande est réalisée seule par le parti et qu’elle donne toujours une vision positive de son action.
La planification intégrale : Le parti décide d’entrer dans une logique de production où l’industrie finit par écraser l’agriculture. L’industrie lourde est privilégiée aux dépends des autres industries. Pour Aron, cette méthode n’est pas contradictoire avec le socialisme car le marxisme car le socialisme suppose le développement des moyens de production avant leur accaparement par le prolétariat. Il faut par contre admettre que la révolution socialiste n’est pas faite tout de suite mais qu’elle se fera plus tard pour les pays de l’est. Cette action a été dur, autoritaire et a supprimé tous les groupes intermédiaires (petits entrepreneurs, classes moyennes)
La reconstitution d’une hiérarchie : La grande différence entre la démocratie occidentale et la démocratie populaire est que l’inégalité en Occident est une inégalité de personne alors qu’en URSS, c’est une inégalité de fonction. En Occident, un entrepreneur possède sa villa, sa voiture, etc alors qu’en URSS, il jouit de ses biens sans les posséder. Il n’existe pas en URSS des inégalités de capital car personne ne possède le capital. L’économie y apparaît donc plus juste. Il en résulte qu’il n’existe pas de classes sociales au sens Occidental du terme car la plus-value n’existe pas.
Comment le régime se situe à la fois dans le stalinisme et le marxisme ? : Dans le marxisme-léninisme, on peut faire la révolution sans que le capitalisme soit arrivé à maturation, il faut surtout que le pays soit faible et que le prolétariat et le parti agissent ensuite. Pourquoi l’Etat n’a pas encore dépéri en URSS ? Le doctrine est clair, il faut attendre que le monde soit socialiste pour laisser mourir les Etats. En attendant, il faut fortifier les Etats au maximum en attendant que le monde devienne socialiste. Pour autant, est-ce que la population vivant en URSS est libre ? Certains disent oui car elle vit pour la future liberté du monde, d’autres disent non en attendant la vraie liberté.
Démocratie et révolution
De son ouvrage, Raymond Aron oppose démocratie et révolution. Dans le premier système politique cité, la compétition est pacifique, on accepte la différence ainsi que le changement et la lenteur. C’est tout le contraire de la révolution qui accepte la violence au nom des idées d’un parti. Pour autant, ces deux notions de sont pas aussi contraires qu’on ne le pense
Pourquoi assimiler démocratie et révolution ? : Car ces deux idéologies ont le refus de la tradition monarchiste et religieuse. Elle se pensent en dehors de ce cadre. Aussi, la démocratie vient toujours d’une révolution (Etats-Unis, Royaume-Uni, France) et par la suite, cette démocratie refroidit la violence de la révolution en instaurant le système de compétition pacifique
« De la révolution à la démocratie » mais aussi « De la démocratie à la révolution » ? : Est-ce que le 2ème mouvement est vrai ? est-ce que la démocratie a en elle-même les caractéristiques qui amènent à la révolution ? Pour cela, il faut que la masse soit majoritairement insatisfaite et que le système donne le sentiment de ne plus fonctionner. Pour qu’il y ait une révolution, il faut de l’optimisme, or la plupart des déçus sont pessimistes et ne répondent pas aux critères pour être vraiment révolutionnaire et renverser la démocratie
Démocratie et Révolution comme idéologies optimiste et pessimiste : Aron nous propose de voir la démocratie comme pessimiste et la révolution comme optimiste. La démocratie est pessimiste dans le sens où elle limite le pouvoir des hommes par pessimisme de leurs actions. Pour autant, l’optimisme peut être de mise dans la population. La révolution elle, apparaît comme forcément optimiste car elle souhaite créer un ordre nouveau.
Une société peut-elle rester indéfiniment révolutionnaire ? : Est-ce que les staliniens deviendront des démocrates ? Est-ce que la démocratie est l’issue forcément finale des révolutions ? En analysant les démocraties populaires, on peut croire que ce système va durer éternellement comme croire qu’il va aboutir à la démocratie. Pour qu’il aboutisse à la démocratie, il faudrait que la révolution en court soit la « révolution permanente » dans la conception de Trotsky, qui aboutirait vraiment à la fin du capitalisme
(Léon Trotski, fondateur de l’idée de la « Révolution permanente »)
Conclusion
A travers cette argumentation, Raymond Aron se questionne sur le sens de l’histoire. Va-t-on voir se développer la démocratie libérale ou bien la démocratie soviétique ?
Dans l’Antiquité, les Grecs considéraient que l’histoire n’avait pas de sens. Cette thématique apparaît avec la religion où l’homme doit se réaliser sur Terre pour pouvoir rejoindre Dieu (Saint-Augustin). Avec les Lumières, Kant propose L’histoire universelle d’un point de vue cosmopolite et le développement de la démocratie libérale. Les marxistes proposent en opposition le matérialisme historique.
(Emmanuel Kant, auteur de L’Histoire universelle d’un ppint d vue cosmopolite)
Pour répondre à cette question du sens de l’histoire, Aron nous rappelle que la philosophie de l’histoire est forcément subjective. Certaines actions peuvent nous paraître à la fois bonnes ou mauvaises, il n’y a pas de vérité historique, donc pas vraiment de sens précis vers où aller.
Ainsi, réfléchir au meilleur système en supposant qu’il serait une finalité historique n’a en définitive peu de sens. Tout au mieux, nous pouvons développer la « meilleure » philosophie politique pour comprendre chaque système et créer celui qui serait le meilleur avec les adages platoniciens (Monarchie / Tyrannie ; Oligarchie / Ploutocratie ; Démocratie / Démagogie).
Raymond Aron cite Merleau-Ponty qui considère que la question du sens de l’histoire doit être réglée. Pour autant, Aron rappelle : « Pourquoi veut-il que cette question du sens de l’histoire soit résolue par notre génération ? Il y en a eu plusieurs avant, il y en aura un très grand nombre après. »
(Merleau-Ponty, intellectuel français du XXème siècle)
L’intellectuel français poursuit en affirmant que la politique n’est pas l’essence de l’homme. En voyant toutes ces catastrophes, ces guerres et ces morts, on pourrait le croire. Il conclut sa démonstration par cette sagesse : « Il y a une activité de l’homme qui est peut-être plus importante que la politique : C’est la recherche de vérité. »
Gauchistement votre,
Le Gauchiste