Les débuts
Etudiant brillant et Critique de l’Université
Jean-Paul Sartre échoue au concours de philosophie en 1928, date à laquelle un certain Raymond Aron finit premier. Le philosophe accuse le jury de favoriser le conformisme d’Aron au détriment de la pensée subversive dont Sartre lui-même pense faire preuve. C’est le début d’une grand lutte entre les deux hommes.
(Raymond Aron, rival intellectuel de Sartre)
L’intellectuel existentialiste est reçu l’année suivante. Il qualifie les professeurs sorbonnards de « pauvres types » et critique le fait que la philosophie allemande ne soit enseignée que par petits fragments. Pour lui, l’université française n’a pas su accepter la supériorité intellectuelle allemande et reste dans ses carcans.
Les débuts intellectuels de Sartre se situent dans les années 1930. Il tente alors la définition d’une éthique et d’un changement social qui commence par lui-même et par la critique radicale des institutions (refus du métier de professeurs, refus de la bourgeoisie, refus du rôle d’époux, refus du rôle de propriétaire, refus du rôle de citoyen car ile ne vote pas)
Fondamentalement, Sartre est libertaire et anti-institutionnel. Il se rapproche en permanence des milieux libertaires anarcho-syndicalistes. Son propre mode de vie respecte l’évolution de sa pensée subversive (polygamie, rapport déviant à l’argent).
Longtemps esseulé, très dépressif dans les années 1930 car rejeté par Olga (une élève de Simone de Beauvoir) et incompris, Jean-Paul Sartre retrouve un réconfort existentiel dans la littérature américaine des années 1930. Il aperçoit un décalage énorme entre ce que l’université française étudie et le contexte international : « Les nuages s’annonceraient au-dessus de nos têtes ; on se battait en Espagne, dans les camps de concentration En Allemagne, en Autriche, en Tchécoslovaquie. Partout la guerre menaçait. Néanmoins, l’analyse à la Proust, à la James, demeurait notre seule méthode littéraire, notre procédé favori. Mais pouvait-on comprendre la mort brutale d’un Juif à Auschwitz, le bombardement de Madrid par les avions de Franco ? […] Les héros d’Hemingway ne font qu’agir. Ils sont vivants car ils jaillissent soudain comme d’un puits profond. Les analyser serait les tuer. »
(Simone de Beauvoir, compagne mythique de Jean-Paul Sartre)
La critique de l’Université de Sartre est ici très violente car il part du postulat qu’il faudrait avant tous voir les actes d’un personnage au lieu de l’analyser intellectuellement dans le seul but de l’analyser. L’auteur français déclare : « Les écrivains américains nous ont libérés de ces techniques obsolètes. »
De nouvelles perspectives entre roman américain, philosophie allemande et apologie du cinéma
En plus des Etats-Unis, Sartre puisse son inspiration en Allemagne avec son voyage à Berlin en 1933-1934 où il découvre la phénoménologie de Husserl puis la philosophie de Heidegger. Le philosophe français se montre élogieux à l’égard d’Hursserl : « Husserl a réinstallé l’horreur et le charme dans les choses, il nous a restitué le monde des artistes et des prophètes : effrayant, hostile dangereux avec des havres de grâce et d’amour. » tandis Qu’Heidegger lui-même lui fait un éloge de son livre L’Être et le Néant (1943) : « Pour la première fois, je rencontre un penseur indépendant, qui a fait à fond l’expérience du domaine à partir duquel je pense. »
(Husserl a énormément influencé la pensée de Sartre)
Face à ses propres problèmes existentiels, Jean-Paul Sartre tente de répondre avec un nouveau langage. Il décrit dans La Nausée le trouble existentiel d’Antoine Roquentin, qui finit par s’échapper de sa province, alternant le merveilleux et le monotone.
Sartre tente d’échapper à sa condition et part à l’exploration de la culture américaine (surtout les romans) et de la culture allemande (surtout la philosophie). Il découvre le cinéma en 1925 et y attribue la vertu à la fois populaire et intellectuelle : « Dans l’inconfort égalitaire des salles de quartier, j’avais appris que ce nouvel art était à moi, comme à tous. »
Sartre voit dans le cinéma toute sa conception de la philosophie bergsonienne : « Une philosophie nouvelle a détrôné celle des idées immuables : pour le présent, il n’y a plus de réalité que dans le changement. […] Le cinéma donne la formule d’un art bergsonien. Il inaugure la mobilité en esthétique. » Il poursuit : « Le film est une conscience car il est un courant indivisible. […] Une organisation d’états, une fuite, un écoulement indivisible, insaisissable comme notre moi. »
(Henri Bergson, grand intellectuel du début XXème siècle)
« Je prétends que le cinéma est un art nouveau, qu’il a ses lois propres, ses moyens particuliers, qu’on ne peut le réduire au théâtre, qu’il doit servir à votre culture au même titre que le grec ou la philosophie. […] Vos parents peuvent se rassurer : le cinéma n’est pas une mauvaise école. C’est un art d’apparence aisée, extrêmement difficile dans le fond, et fort profitable s’il est bien pris : c’est qu’il reflète, par nature, la civilisation de notre temps. »
Une progression vers l’intellectuel et l’action
Finalement, la progression est singulière et soulève des problématiques qui sont toujours les mêmes (Fonction de la littérature ? Statut de l’artiste / de l’intellectuel ? L’inscription du symbolique dans le réel ?)
Première phase (Années 1930) : Homme très marginal et désespéré du monde qui regarde avec cynisme la gauche et ses espoirs (notamment l’URSS). Il est dans son nid douillet de l’Ecole Normale Supérieure et développe une pensée anarchiste et individualiste
Deuxième phase (Après SGM) : Sartre est marqué par les évènements et publie plusieurs livres comme L’être et le néant (1943) et Les Mouches (1943). Il publie notamment dans Combat avec Albert Camus. Il part cinq ans aux Etats-Unis et se passionne pour les révoltes sociales (question des Noirs et des inégalités).
(Les Mouches, oeuvre de Jean-Paul Sartre)
Sartre développe une nouvelle conception de la littérature : dire le réel et la vérité : « Si la vérité est une, […], la chercher nulle part ailleurs que partout. »
L’intellectuel français développe tout un imaginaire autour d’un lieu défini. Ce sera Saint-Germain-des-Prés avec au sommet de sa pyramide de pensée la philosophie d’où découlent les autres disciplines à maîtriser pour tendre vers la sagesse. Dans un sens gramscien, Sartre devient l’intellectuel organique par excellence de la pensée existentialiste de Saint-Germain avec ses cafés et sa vie bohème.
(Gramsci, grand théoricien des intellectuels et notamment de l’intellectuel organique et traditionnel)
Après son passage au Parti Communiste Français, il tend vers la subversion en critiquant violemment le colonialisme et le pouvoir gaulliste. Il acquiert un statut d’intouchable et rencontre tous les grands chefs internationaux. Il développe la thématique du déclin de l’Europe. Très rapidement, il devient un porte-parole des pays du Tiers-Monde.
Avec Les Mots (1963), le philosophe rompt avec la tradition littérature pour se pencher totalement en faveur de la contestation et de la revendication.
(Les Mots de Sartre)
La trajectoire de Sartre est celle d’un homme isolé dans un monde cloisonné, qui tente de comprendre plus globalement ce monde en tentant de la modifier, quitte à laisser des formes pour laisser place au fond, pour laisser place à la cohérence entre les actions et les idées.
L’intellectuel
L’Enseignement
« Ce n’était pas tant les premiers de la classe que j’aimais. je m’intéressais surtout à ceux qui avaient des idées, une réflexion qui commençait, à ceux qui n’étaient pas faits, qui se faisaient. »
Sur l’éducation, il s’exprime : « Il faut que les enseignants se donnent pour tâche non plus de repérer parmi la masse de leurs étudiants ceux qui leur paraissent dignes de s’intégrer à une élite, mais de faire accéder la masse tout entière à la culture. Cela suppose d’autres méthodes d’enseignement. Cela suppose qu’on s’intéresse à tous les étudiants, qu’on essaie de se faire comprendre par tous, qu’on les écoute autant qu’on leur parle. »
Un de ses élève raconte « Révolutionnaires étaient ses méthodes : il négligeait la préparation du baccalauréat et préférait s’attacher à former les esprits, ce dont personne ne se plaignait, tant il captivait son auditoire ; quant aux devoirs, il en prenait un dans la pile, au hasard, le faisait lire par un élève, demandait l’avis général, et le devoir était ainsi noté par l’ensemble de la classe. Avec Sartre, c’était la remise en question des idées reçues, le développement de l’esprit critique, l’exigence d’une pensée personnelle, dans l’honnêteté intellectuelle. »
Dans sa pédagogie et son professorat, Sartre n’hésitait pas à réviser les a priori de la culture traditionnelle en affirmant le primat de la situation vécue sur l’arbitraire de la tradition du passé.
L’intellectuel français refuse le présupposé de pouvoir que lui confère sa légitimité intellectuelle ainsi que l’organisation hypocrite de toute organisation hiérarchique qu’il s’amuse à anéantir publiquement comme un château de cartes. Sartre est vu comme un traite aux institutions ainsi qu’à sa position sociale qui sont censées le rendre légitime alors que lui souhaite partager avec les jeunes la « vraie culture » à travers une exploration active du contemporain.
La philosophie
L’intellectuel français développe une admiration pour Flaubert car il le considère comme son opposé strict, figure de l’intellectuel désengagé qui s’intéresse avant tout à un idéal formel. Sartre déclare sur lui « Comment un tel homme peut exister ? On a besoin de nous frotter à ce qui nous conteste »
(Gustave Flaubert, grand homme de lettres)
« L’oeuvre sartrienne va de rebondissement en inachèvement, de reformulation théorique en démonstration pratique, en dialogue constant avec d’autres créateurs, ses collègues, progressant de Baudelaire à Genet puis Mallarmé, Tintoret et finalement Flaubert. »
Le fonctionnement de Sartre, c’est le fonctionnement de quelqu’un qui accepte ses contradictions, qui expose sa transparence en montrant ses limites.
La philosophie de Sartre se développe par oppositions entre les grands courants intellectuels du XXème siècle. Il dépasse le spiritualisme de Bergson en même temps que le rationalisme de Brunschvicg. Il ne se reconnaît pas non plus dans la tradition positiviste d’Auguste Comte dont Lucien Herr est l’héritier. Sa philosophie est davantage inspirée de celle de de Bergson avec des pensées créatrices et libres, tout en réfutant la spiritualité et le rationalisme. Il propose une philosophie totalement laïque dans une sorte de bergsonisme de gauche.
La carrière de Sartre est caractérisée par une critique de l’Université considérée comme très conservatrice et laissant peu à peu une place très réduite aux philosophies non-occidentales. Son oeuvre est une proposition de liberté face aux institutions et la découverte de sa propre liberté.
Le Militant
Les débuts
Face aux autres membres de l’Ecole Normale supérieure (Les socialistes de la SFIO comme Aron, Peguy, les communistes comme Bruhat et les pacifistes tyranniques comme Alain), Sartre choisit une voie personnelle pour s’engager en politique sur le long terme. Aron déclare : « Il était spontanément anarchisant » pendant que Georges Lefranc continue « Il est resté toute sa vie infantile du point de vue politique ; d’ailleurs, il était nul en histoire. »
(Alain, philosophe intransigeant)
L’écrivain français s’engage après la Seconde Guerre mondiale après ses voyages aux Etats-Unis. Il se passionne pour les luttes raciales ainsi que les luttes sociales. Il ne comprend pas que l’humanisme n’ait pas encore traversé les nations et que de telles choses puissent encore se produire dans le monde.
A la suite de nombreuses recherches historiques, il a été montré que Sartre n’avait été ni un traître, ni un héros. Pour autant, sa participation à la résistance a été réelle. Il déclare sous l’occupation : « Hitler déporte nos hommes, c’est un état de fait dont nous ne pouvons nous accommoder. Si nous acceptons le régime de Vichy, nous ne sommes plus des hommes : aucune compromission n’est possible avec les collaborateurs.
L’après Seconde Guerre mondiale, entre alter-mondialisme et critique du stalinisme
Pendant la Seconde Guerre mondiale, Sartre fait partie des fondateurs du mouvement Socialisme et liberté avec Merleau-Ponty (marxiste), Marrot (anarchiste) et des étudiants trotskistes. Le mouvement dure peu, la résistance s’organise alors autour du Parti Communiste français.
(Maurice Merleau-Ponty, grand philosophie d’extrême-gauche)
L’intellectuel français se distingue en 1943 par sa participation au groupuscule AGATE (Association de groupes d’action technique) particulièrement actif en Corrèze. Le mouvement prend fin en Juin 1944 avec la fusillade tragique de 41 jeunes gens.
Sa Résistance se fait aussi sur le plan idéologique. Il tente de retranscrire les émotions vécues par le peuple français à travers une phénoménologie de cette période. Dans Les Mouches (1943), Sartre souhaite lutter contre : « cette maladie du repentir, cette complaisance aux remords de la honte. »
L’engagement politique de Sartre est très tardif. Il ne s’intéresse qu’à la question politique qu’à partir de la Seconde Guerre mondiale. Auparavant, ses relations avec le Parti Communiste se limitaient à la figure de son ami Paul Nizan.
(Paul Nizan, très grand ami d’enfance de Sartre)
Après 1945, le philosophe français souhaite s’engager auprès des communistes mais sa relation avec le PCF est plus que difficile en raison de nombreux désaccords. Dans Le Cheval de Troie, Nizan décrit Sartre comme un petit-bourgeois réactionnaire refusant de s’engager véritablement dont le pessimisme lui fait rejoindre les ennemis de la classe ouvrière.
De 1945 à 1952, les relations entre Jean-Paul Sartre et le PCF sont très difficiles. L’intellectuel français refuse l’idéologie du PCF qui quitte le gouvernement français, durcissant ses positions. Il critique aussi son positionnement politique alors que lui-même se situe davantage à la gauche des communistes. En 1952, Jacques Duclos est arrêté injustement, Sartre écrit à ce propos dans les Temps modernes que « Un anti-communiste est un chien » et abandonne le PCF qu’il juge trop stalinien, la rupture est quasi nette.
Le philosophe français se dirige désormais vers les luttes alter-mondialistes même si son scepticisme le pousse à croire que la puissance des institutions empêchera tout changement. A partir de Mai 68, il se rapproche des mouvements alter-mondialistes (notamment le maoïsme) ainsi que des mouvement de défense minorités (prisonniers, homosexuels). Il délaisse totalement le PCF et rejoint des mouvements libertaires et anarchistes. C’est là le paradoxe du personnage, Sartre s’institutionnalise dans des mouvements supposés non-institutionnels et anti-hiérarchiques comme les anarchistes et les libertaires avec lesquels il milite (Discours aux usines Renault à Boulogne-Billancourt en 1970). Il devient une caricature du gauchisme aux yeux de beaucoup.
(Sartre aux usines Renault en 1970)
Pour décrire le positionnement de Sartre face au stalinisme, Edgar Morin utilise la notion « d’hypostalinien » ou lieu de celle « d’hyperstalinien ». Ce que veut dire Morin, c’est que l’hyperstalinien est celui qui refuse de voir la réalité de l’URSS de Staline alors que l’hypostalinien est celui qui a conscience des horreurs de l’URSS mais qui continue à croire en la révolution et en la libération des peuples.
(Edgar Morin a théorisé la relation entre Sartre et le stalinisme)
Face à ce stalinisme, les intellectuels critiquent beaucoup le positionnement de Sartre. Annie Kriegel expose trois principales critiques contre l’intellectuel français :
Critique politique : Sartre jouerait le rôle du « fourrier du communisme ». En adoptant un gauchisme primaire anti-américain, l’intellectuel français justifie la défense du PCF staliniste.
Critique épistémologique : Son rôle « ingénu » vient de sa profonde incompétence en science politique, ce qui lui a fait faire de nombreuses erreurs
Critique psychanalytique : En alternant le chaud et le froid avec le PCF, Sartre aurait une envie d’aider le prolétariat en laissant passer le stalinisme. De même, lorsqu’il s’engage autant dans les luttes de Mai 68, certains y ont vu la volonté de se rattraper après un passé de résistant peu glorieux
Une figure de la Guerre d’Algérie et de Mai 68
La guerre d’Algérie marque les débuts de l’engagement alter-mondialiste de Sartre et sa querelle avec Albert Camus. Rapidement, cette guerre devient la « Guerre de Sartre » alors que rien ne l’y prédestinait. Tout commence en 1956 avec les premiers mouvements contre l’Algérie française. L’intellectuel existentialiste décide de passer à l’action en rencontrant des chefs d’Etat étrangers notamment en 1960 (URSS, Cuba, Brésil). Il devient la cible privilégie de l’extrême-droite qui scande « Fusillez Sartre ».
Les deux intellectuels ne se reparlent pas lors du conflit. Leur dernière discussion a lieu en 1952. Par la suite, Albert Camus , l’autochtone, sensibilisé et parfaitement conscient de la réalité algérienne déserte le conflit en dehors de quelques discours en 1957. Sartre, l’intellectuel froid de la gauche symbolique, métropolitain et théoricien lui prend la place. Il déclare en 1957 : « Nous, Français de la Métropole, nous n’avons qu’une leçon à tirer de ces faits : le colonialisme est en train de se détruire lui-même. Mais il empuantit l’atmosphère : il est notre honte, et il se moque de nos lois ou les caricature ; il nous infecte de son racisme. »
(Albert Camus, grand advsersaire littéraire de Sartre)
Alors que Camus souhaite une réconciliation entre les deux communautés pour « limiter les dégâts », Sartre souhaite de son côté dénonce les coins français et veut détruire l’Algérie française. Les deux écrivains s’affrontent alors. Du côté d’Albert Camus, l’heure est au pragmatisme, à la paix, au consensus, au coeur à l’intelligence alors que Sartre veut la violence, l’affrontement, la théorie. Le point culminant de leur opposition fut en 1957 avec leurs deux discours opposés. Pour beaucoup, Jean-Paul Sartre connaissait peu la situation algérienne et a agi en appliquant une théorie marxiste qu’il connaît bien sans apprivoiser les spécificités de la question algérienne, le tout avec une haine certaine des militaires.
Sartre est pris comme une référence pendant Mai 68. Il déclare : « Déjà, quand j’avais 20 ans, nous protestions contre le système. Le professeur de faculté, c’est presque toujours – ça l’était aussi de notre temps – un monsieur qui a fait une thèse et qui la récite tout le reste de sa vie. C’est aussi quelqu’un qui possède un pouvoir auquel il est farouchement attaché : celui d’imposer aux gens, au nom d’un savoir qu’il a accumulé, ses propres idées sans que ceux qui l’écoutent aient le droit de contester. Or, un savoir qui n’est pas constamment critiqué, se dépassant et se réaffirmant à partir de cette critique, n’a aucune valeur. »
Il poursuit sur une revendication phare de Mai 68 : « Il est nécessaire que des étudiants, non seulement de l’année d’étude en cours, mais de l’année suivante, soient là pour, au besoin, corriger une erreur, compenser un mouvement d’humeur, et que le professeur sache qu’il est jugé en même temps qu’il juge. Tout est là : si celui qui juge n’est pas jugé lui-même jugé, il n’y a pas de liberté. » La critique sous-jacente envers Raymond Aron est forte.
En découle sa vision de l’intellectuel : « Un intellectuel, c’est quelqu’un qui est fidèle à un ensemble politique et social mais qui ne cesse de le contester. » Sartre, c’est avant tout quelqu’un qui a toujours refuser de fonder sa légitimité sur des titres sociaux et universitaires. Il remettait sans arrêt sa pensée en question en laissant l’autre interagir avec lui, offrant à cet autre sa propre disponibilité et sa propre générosité pour que l’autre puisse fonder sa propre identité.
Conclusion
Les remises en question incessantes de Sartre font de lui un personnage inclassable dans les catégories françaises traditionnelles : surtout qu’il garde une position très marginale dans une société au sein de laquelle les institutions sont fortes et résistent au temps.
L’oeuvre de Sartre un appel à la liberté malgré nos déterministes sociaux et la critique permanente du pouvoir afin que celui qui prononce une vérité puisse être contredit dans tous les cas.
Cependant, le manque de culture politique de l’intellectuel français l’a poussé à faire de nombreuses erreurs. Seulement, ces erreurs sont davantage le fruit de maladresse que de mauvaises intentions ; ses intentions se rapprochant de la pureté de la pensée adaptée à l’action.
Retenons de Sartre cet appel à la liberté incessant et cette possibilité de s’élever malgré les difficultés
Gauchistement votre,
Le Gauchiste