La pensée politique de Gramsci s’articule autour de la notion de Bloc Historique qu’il a développée. Il faut toujours rappeler que Gramsci est marxiste. Ses idées sont donc à la fois traditionnelles avec des apports spécifiques à la pensée de Marx.

La notion du « bloc historique » est vue comme une sorte de fourre-tout qu’il faudra débroussailler. Le bloc historique correspond au lien organique entre la superstructure (Ensemble des idées et des idéologies) et la structure (Ensemble des manières de produire et de vivre). Ce lien a pour but de donner un sens à la vie en société et légitimer la manière qu’ont les individus de vivre avec un contenu social et intellectuel.

 

 

(Portrait d’Antonio Gramsci)

 

 

Antonio Gramsci propose une triple problématique du bloc historique :

L’étude des rapports entre structure et superstructure. Pour Gramsci, il n’y a pas de supériorité de l’un sur l’autre, sinon on tombe dans l’économisme ou bien l’idéalisme. Pour Antonio Gramsci, il y a un lien organique entre les deux notions. Le lien entre la structure et la superstructure est réalisé par un groupe social bien précis : les intellectuels : « Les intellectuels sont les fonctionnaires de la superstructure. » 

Antonio Gramsci souhaite également faire une étude de la classe dominante et de la façon dont elle utilise les intellectuels pour répandre un système de valeurs (l’idéologie). 

Gramsci, avec les expériences de Russie (1917) et d’Italie (1920) souhaite créer un nouveau bloc historique en Italie en passant du « Bloc industriel-agraire » et instaurer le « bloc ouvrier et paysan »

 

 

    

Qu’est-ce que le bloc historique ?

La superstructure du Bloc Historique

 

La superstructure est composée de 2 éléments : Le société politique (avec surtout l’appareil d’Etat) et la société civile (La plus grande partie de la superstructure)

 

La société civile

 

Dans la vision gramscienne, la société civile correspond à l’ensemble des individus avec leur position sociale mais aussi leurs actions politiques, sociales, culturelles et leur idéologie. Il faut cette idéologie pour contrôler la société civile.

La discipline la plus élevée dans l’idéologie est la philosophie car c’est elle qui doit apporter une cohérence au bloc historique. A chaque époque, les philosophes ont donc pour rôle de créer des systèmes de pensées et de valeurs pour donner une cohérence, un sens au bloc historique. La philosophie doit pouvoir s’adapter avec des choses simples afin qu’elle intègre le « sens  commun » dans toutes les couches de la population. La politique a par la suite un rôle primordial car c’est elle qui doit propager cette philosophie.

« Le folklore est un ensemble indigeste de fragments de toutes les conceptions du monde et de la vie qui se sont succédé dans l’histoire. » C’est l’échelle la plus basse de l’idéologie, celle la plus incohérente car elle mélange beaucoup d’éléments et de philosophie. Pour se libérer, le premier devoir de tout nouveau groupe social homogène est de se définir sa propre philosophie et de combattre le sens commun.

 

 

La société politique

 

La société politique peut se résumer à l’appareil d’Etat qui a un fonctionnement très dictatorial. Son principal rôle est celui de coercition pour que la société civile se soumette et accepte. Pour Gramsci, l’accession au pouvoir n’est réussie et finalisée que lorsque la société politique est contrôlée.

Une fois contrôlée, la société politique ne doit être utilisée que de façon secondaire par rapport à la société civile pour établir le pouvoir.

 

 

Le lien entre la société civile et la société politique       

 

L’opinion publique est l’exemple concret des rapports permanents entre le gouvernement et le peuple. Institutionnellement, le Parlement est l’organe représentant le mieux le lien entre société civile et société politique car cet appareil de la société politique (Le Parlement) est l’expression de la société civile.

Chez Gramsci, l’Etat correspond à l’addition des deux éléments de la superstructure que sont la société civile et la société politique. L’Etat, au niveau de ses communications idéologiques est dominé par un groupe social qui veut diffuser son idéologie : les intellectuels

 

 

Le rapport entre Structure et Superstructure au sein du bloc historique

    

Le théoricien italien distingue 2 aspects de la structure : 

    ° Elle est très statique

    ° Elle est très facile à analyser (nombre d’entreprise, répartition de la richesse)

 

Pour Gramsci, il faut analyser la superstructure pour comprendre le fonctionnement de la structure. L’organicité du rapport superstructure / structure est l’oeuvre des groupes sociaux qui s’occupent de la superstructure, notamment des intellectuels.

 Pour le natif de Ales : « Chaque groupe social, naissant sur le terrain originaire d’une fonction essentielle du monde de la production économique crée, en même temps que lui, organiquement, une ou plusieurs couches d’intellectuels qui lui donnent homogénéité et conscience de sa propre fonction, non seulement dans le domaine économique, mais aussi dans le monde social et politique. »

 Dans le cadre d’un changement de bloc historique, il y a plusieurs phases : 

     ° 1ère : Un groupe social n’est pas satisfait de sa place dans la structure et souhaite modifier cette structure

   ° 2ème : Rapport de forces politiques où ce groupe social développe son homogénéité et veut mettre en place sa domination du point de vue de la superstructure et il y parvient

     ° 3ème : La superstructure étant désormais dominé par ce groupe social, la structure qu’il légitime avec son idéologie et sa philosophie est désormais accepté et reconnue comme admise

 

Quand on accorde trop d’importance à la structure pour changer le bloc historique, il peut se passer deux choses : 

                ° Soit la société civile prend conscience de sa soumission et décide de développer progressivement une superstructure avec le syndicalisme

                   ° Soit un caractère irrationnel se développe (idée de l’élan vital de Bergson) et c’est de l’aventurisme avec un petit groupe de personnes, conscient de sa soumission qui prend le pouvoir)            

 

               

                     ° On se limite à l’histoire des idées et on oublie la politique. Le sens de l’histoire est seulement perçu d’un point de vue philosophique —> Passivité comme pour la société civile qui développerait naturellement sa superstructure

 

                       ° En laissant faire les choses et en étant immobiliste, on attend un élément déclencheur de l’histoire où une superstructure nouvelle se développerait à travers des individus qui proposeraient un nouvelle société. 

 

Cela n’a pas de sens de différencier structure et superstructure car en voulant modifier le bloc historique avec seulement l’un des deux, on arrive aux mêmes conclusions et aux mêmes échecs.

       

Pour comprendre le bloc historique et pour espérer le modifier, il faut comprendre le lien organique entre la structure et la superstructure.    

 

 

 

   

Comment fonctionne le bloc historique ?

Hégémonie et Bloc Historique

 

L’hégémonie correspond au contrôle de la société civile et de la société politique. La classe ouvrière ne pourra jamais atteindre l’hégémonie car sa base sociale n’est pas assez grande (il faudrait qu’elle s’allie avec la paysannerie). 

 L’hégémonie de la classe dirigeante se fait grâce au monopole de l’intellectuel qui forme le « bloc idéologique ». La primauté économique de la classe dirigeante ne peut se faire que par l’économique. Elle doit aussi une dignité intellectuelle aux penseurs et développer une système scolaire efficace pour intégrer l’idéologie.

Le « bloc idéologique » permet à la classe dirigeante à la fois de répandre son idéologie mais aussi de contrôler les couches de la population. En cas de destruction du bloc idéologique, ce double-contrôle de désagrège complètement.

Le but pour la classe dirigeante est d’élargir sa base sociale et d’y intégrer au maximum les 3 groupes dans l’hégémonie (Classe dirigeante, classes auxiliaires qui aident la classe dirigeante et classe subalterne qui est dominée).

 

 

 

Le rôle des intellectuels dans le bloc historique     

 

Pour comprendre le bloc historique, il faut comprendre le lien entre structure et superstructure et au sein de celle-ci, le lien organique entre société civile et société politique. Ce lien organique entre société civile et société politique, ce sont les intellectuels qui le font.

L’intellectuel (organique ou traditionnel) est toujours le représentant d’une classe qu’il défend. Il n’y a pas d’uniformité des intellectuels. Chacun défend une classe. Un patron de droite sera souvent un intellectuel organique défendant les intérêts de la classe dominante. Plus on descend dans les couches subalternes, moins les intellectuels ont d’intérêts économiques et plus ils ont d’intérêt purement intellectuel à les défendre.

Ce sont les intellectuels organiques (ceux qui proviennent du principe de réalité) qui en viennent à dominer avec le développement du capitalisme au lieu des intellectuels traditionnels. Surtout, l’idée même d’intellectuel traditionnel décline car désormais, les classes sont tellement développées qu’il est difficile pour un intellectuel d’être traditionnel sans être organique et défendre sa classe, il devra prendre position.

Il arrive que des intellectuels n’appartient pas au bloc historique : ce sont des intellectuels traditionnels appartenant à des anciens blocs historiques. Ils restent alors avec leurs idées de philosophie idéale et une partie de la société civile restée dans un ancien bloc historique (Ex : Benedetto Croce)

 Il y a lutte entre intellectuels traditionnels et intellectuels organiques. Les intellectuels traditionnels appartiennent à d’anciens blocs historiques et ont parfois du mal à intégrer les nouveaux. Ils peuvent même parfois bloquer l’évolution de la structure en ne faisant pas évoluer la superstructure. Un pays comme les Etats-Unis a peu d’intellectuels traditionnels, c’est donc facile pour lui de faire évoluer sa structure par l’intermédiaire d’intellectuels organiques souvent dévoués. Les intellectuels traditionnels sont le facteur essentiel d’un potentiel frein de la structure par la superstructure.

 

(Couverture des Lettres de Prison, ouvrage référence d’Antonio Gramsci qui contient nombre de ses pensées philosophiques et politiques)

 

 

La hiérarchie des intellectuels du « bloc intellectuel » se divise en trois parties (Créateur, Organisateur et Educateur). Pour Gramsci, ce sont les créateurs qui sont les grands intellectuels et ce sont eux que la classe dominée doit former en priorité.

La question des intellectuels reste très complexe. En effet, il n’existe certes que deux types d’intellectuels (organiques, traditionnels). Pour autant, chaque intellectuel peut agir de manière très différente (isolé de chaque classe sociale, en lutte pour sa classe sociale, en lutte pour une classe sociale différente de la sienne). En définitive, ce sont bien ces intellectuels qui donnent sens au lien organique entre société civile et société politique et plus loin entre structure et superstructure.

 

 

Crise organique et nouveau bloc historique        

 

Une classe ne peut jamais dominer indéfiniment, il y a toujours une partie de la classe subalterne dans laquelle se situe un futur groupe social qui deviendra le nouveau groupe dominant avec un nouveau blog historique associé.

Pour détruire un bloc historique, Antonio Gramsci donne deux éléments indispensables : 

      * Faire rompre le lien organique réalisé par les intellectuels entre structure et superstructure pour faire en sorte que les intellectuels ne défendent plus la classe sociale hégémonique

          * Création d’une classe subalterne à portée hégémonique pour créer un nouveau bloc historique cohérent qui fonctionne

 

La plupart du temps, la crise organique s’effectue entre les classes fondamentales (classe dirigeante, classe auxiliaire et classe subalterne). Cependant, il arrive parfois que le changement de bloc historique se fasse au sein de la classe dirigeante même (Gramsci cite l’affaire Dreyfus où différentes bourgeoises se sont combattues). Nous nous attarderons surtout sur la crise organique entre classe fondamentale pour arriver à l’arrivée au pouvoir du prolétariat.

 

 

Crise organique

 

La crise organique subvient lorsque sur la superstructure ne suit plus la structure. Gramsci s’exclame « La crise consiste justement dans le fait que le vieux se meurt et le neuf ne peut pas naître. »

Plus précisément, lors d’une crise, les classes subalternes ne répondent plus aux classes dirigeantes et notamment aux intellectuels. Un bloc historique se dissout lorsque le contenu intellectuel et social des intellectuels se vide et ne fait plus sens parmi les classes subalternes.

Le bloc historique se vide pour deux raisons principales, soit parce que les intellectuels demandent à la classe subalterne quelque chose qui lui semble dénué de sens et de contenu social et intellectuel (Guerre, Plébiscite), soit parce que les classes subalternes se politisent et créent elles-mêmes un nouveau bloc historique. Il peut bien entendu y avoir un mélange des deux.

Face à une crise de la superstructure où la société civile de désolidarise de la société politique, la classe dirigeante a 3 possibilités de réactions :

 

        ° Le remaniement de la société civile. La classe dirigeante accepte des idées des classes auxiliaires et classes subalternes pour rester en place

         ° La classe dirigeante décide d’utiliser la société politique pour retrouver l’ordre. C’est une solution violente : La dictature et souvent le parti unique

          ° Le césarisme : Parfois il arrive qu’aucune des forces en présence n’arrive à prendre le pouvoir. La lutte est alors seulement destructrice. Dans ces cas-là peut intervenir la solution de « homme providentiel ». Cependant, le césarisme est une option qui n’a plus trop de sens selon Gramsci tant les antagonismes entre classes sociales se sont développés avec l’industrialisation        

 

 

Nouveau système hégémonique    

 

(Portrait de Karl Marx, premier philosophie à avoir défendu l’idée de la lutte des classes avec Engels)

 

Antonio Gramsci expose qu’un nouveau système économique ne peut émerger que s’il y a eu au préalable une organisation de la classe subalterne pour créer un « bloc intellectuel » (Ex : La bourgeoisie française qui a développé l’idéologie des Lumières au XVIIIème siècle avant de prendre le pouvoir pendant la Révolution Française).

Pour Gramsci, la classe subalterne doit se scinder de la classe dirigeante pour rendre le bloc historique vide de son sens idéologique et social tout en créant de nouvelles idéologies et s’entourer d’intellectuels organiques au sein même de cette classe subalterne et dans les autres classes.

Pour s’organiser, la classe subalterne doit compte sur les intellectuels organiques rassemblés autour d’un parti. La révolution ne peut se faire qu’avec la combinaison de la direction idéologique et la direction politique-militaire par la classe subalterne.

En ce qui concernent les sociétés occidentales, Antonio Gramsci explique que la société civile est beaucoup trop imprégnée de l’idéologie de la classe dominante pour pouvoir se rallier aux révolutionnaires en cas de révolution. Il en conclue qu’une « guerre de position » (Faire changer l’idéologie dans la société civile pour prendre le pouvoir) est préférable à une « guerre de mouvement » (Prendre directement le pouvoir par la force en voulant contrôler l’appareil d’Etat).

La réflexion gramscienne s’articule autour d’un double-mouvement de conquête dans un premier temps de la société civile avec la « guerre de position » puis la conquête de la société politique avec la « guerre de mouvement » afin de prendre possession de la superstructure et vider le bloc historique en place de son contenu intellectuel et social.

 

 

Rappelons-nous les apports de d’Antonio Gramsci à la pensée marxiste et à notre humanité

 

Gauchistement votre,

 

Le Gauchiste